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Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 107

Le jeudi 11 décembre 2014
L'honorable Pierre Claude Nolin, Président

LE SÉNAT

Le jeudi 11 décembre 2014

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le décès de Bruce Phillips, O.C.

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, samedi, Bruce Phillips, un des journalistes les plus respectés du Canada, est décédé en Colombie-Britannique. C'est pour moi un honneur, aujourd'hui, de lui rendre hommage. Il avait 84 ans.

Bruce était un bon ami à moi et, pendant cinq ans, il a été aussi mon patron. C'était la belle époque sur la Colline — de 1979 à 1984 —, les cinq années où il a été mon patron. Nous avons eu beaucoup de plaisir ensemble. Votre Honneur, comme vous le savez, ce qui se passait dans le Cercle des journalistes restait dans le Cercle des journalistes; ce qui se passait sur la route restait sur la route; ce qui se passait au dîner annuel de la Tribune de la presse, eh bien, restait plus ou moins au dîner; ce qui se passait sur la Colline du Parlement, c'est une autre histoire.

Bruce était un homme bon et j'avais le plus grand respect pour lui. Les expériences que nous avons vécues ensemble se sont muées en souvenirs qui nous ont permis de rester proches, et j'en suis très heureux. La distance qu'il y avait entre nous au cours des dernières années, lui étant sur la côte Ouest, à la retraite, et moi, ici, n'a jamais altéré ni affaibli notre amitié.

En tant que journaliste, ce qui motivait Bruce, c'était le but même du journalisme — l'intérêt public. Cela peut sembler très vague, mais c'était clair pour Bruce. Ici, sur la Colline, et comme correspondant à l'étranger, il ne se contentait pas de couvrir les événements sociaux et politiques. Il allait au fond des choses : ce qui faisait leur importance et pourquoi les gens devaient en être informés, leur portée, les leçons à en tirer et les dangers qu'ils représentaient.

Les politiciens, tant à la Chambre des communes qu'au Sénat, prêtaient attention à son segment d'opinion au bulletin de nouvelles de CTV. Au bureau, nous l'avions surnommé Info-Bruce, mais le pays et les politiciens y prêtaient vraiment attention.

En tant que réalisateur et animateur de l'émission Question Period sur CTV, Bruce a mis pleinement ses talents à profit dans des discussions sur divers sujets. Grâce à son style, les téléspectateurs avaient l'impression d'être là, dans la même salle, et de participer au processus. Pour Bruce et ses fidèles téléspectateurs, cela était important. C'était ça, la couverture des affaires publiques.

Avant de devenir le commissaire à la protection de la vie privée du Canada, il a été ministre-conseiller à l'ambassade à Washington pendant un certain temps. Il a bien servi son pays et son ambassadeur. Puis, en 1991, Bruce est devenu commissaire à la protection de la vie privée. À cette époque, les préoccupations sur le plan de la protection de la vie privée étaient loin d'être aussi bien comprises qu'en 2000, date à laquelle il a quitté ce commissariat. Bien entendu, ce n'est pas un hasard. Dans le cadre de ses fonctions, Bruce était aussi déterminé, aussi convaincu de ses idées et aussi apte à faire avancer des dossiers que lorsqu'il était journaliste.

Il a permis à la population de mieux comprendre les questions liées à la vie privée et de reconnaître le devoir social de respecter la vie privée et de la protéger. Son rôle dans la création de lois et la sensibilisation du public nous a bien préparés au monde branché et intrusif dans lequel nous vivons aujourd'hui.

Bruce était un défenseur de l'intérêt public, un décideur remarquable et un agent de changement formidable, mais il était aussi exceptionnellement accessible. Il avait un grand sens de l'humour, dont il se servait pour me faire rire, pour m'amadouer et, parfois, pour faire valoir un point.

À l'époque où je relevais de lui, Votre Honneur et chers collègues, je ressentais et respectais son autorité, parce qu'il était un homme influent. Il n'avait pas besoin de hausser la voix ou de se montrer sévère.

Pour terminer, il était Bruce, tout simplement, et c'était en soi une raison suffisante pour l'écouter et prêter attention à l'exemple qu'il donnait. Comme bien des Canadiens aujourd'hui, les souvenirs que je garde de Bruce sont associés à des idées et à des perspectives que j'admire. J'ai beaucoup de chance de l'avoir connu et de l'avoir compté parmi mes amis.

Bruce adorait ses filles. Je suis d'ailleurs content qu'il ait pu vivre près d'elles, en Colombie-Britanique, après sa retraite. Je leur offre mes sincères condoléances.

Merci.

Le secteur des organismes de bienfaisance et des organismes à but non lucratif

L'honorable Douglas Black : Honorables sénateurs, nous savons tous qu'il vaut beaucoup mieux donner que recevoir. En cette période de l'année, je vous invite donc à vous joindre à moi pour remercier les Canadiens de leur générosité et pour saluer plus particulièrement les bénévoles et les employés du secteur caritatif.

Le secteur canadien des organismes de bienfaisance et des organismes à but non lucratif est le deuxième du monde en importance. Le Canada compte actuellement plus de 85 000 organismes de bienfaisance enregistrés. En fait, si on tient compte des organismes enregistrés et non

enregistrés, des hôpitaux, des universités et des collèges, ce nombre atteint 170 000. Ce secteur contribue au PIB du Canada à hauteur de 106 milliards de dollars, ce qui représente 8,1 p. 100 du PIB. Il emploie 2 millions de personnes.

Selon Statistique Canada, près de la moitié des Canadiens ont fait du bénévolat en 2010. Ils ont collectivement donné 2 milliards d'heures de leur temps. Plutôt impressionnant.

Honorables sénateurs, nous savons tous que le secteur caritatif joue un rôle fondamental dans notre société : il soutient des causes importantes en leur offrant l'aide et l'argent dont elles ont bien besoin; il aide les personnes en difficulté; il finance la recherche médicale; il soutient le sport et les arts; il permet de bâtir des logements à loyer modique, et la liste est longue. C'est pourquoi il faut que le gouvernement continue d'inciter les gens à faire des dons de bienfaisance.

Les incitatifs fiscaux novateurs, comme le supercrédit pour premier don, sont essentiels pour inciter les jeunes à donner et à en faire une habitude. Ce crédit temporaire, qui est en vigueur depuis 2013 et qui le sera jusqu'en 2017, accorde un allègement fiscal supplémentaire de 25 p. 100, en plus du crédit d'impôt pour don de bienfaisance, aux personnes admissibles qui font un don de bienfaisance pour la première fois. En juillet 2014, plus de 95 000 personnes avaient fait un don de bienfaisance pour la première fois. Au total, ces gens ont donné plus de 20 millions de dollars.

En tant que parlementaires et en tant que citoyens, il est important que nous fassions tout ce que nous pouvons raisonnablement faire pour nous assurer que la générosité continue de bénéficier de ce genre d'appui. Et, en tant que sénateurs, il est important que nous reconnaissions la valeur de toutes les personnes qui travaillent ou qui font du bénévolat dans le secteur caritatif, et que nous les en remerciions infiniment.

Sans eux, la qualité de vie des Canadiens ne serait pas la même.

Des voix : Bravo!

Mme Rinelle Harper

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, le mardi 9 décembre 2014, l'Assemblée des Premières Nations a donné le coup d'envoi à son Assemblée spéciale des chefs, qui avait lieu à Winnipeg, au Manitoba. Comme vous le savez, le chef Perry Bellegarde, de la Saskatchewan, a été élu nouveau chef national. Par ailleurs, la première journée de l'assemblée a été tout à fait remarquable en raison du courage d'une jeune Autochtone de 16 ans, Rinelle Harper.

Comme les honorables sénateurs le savent, en novembre, Rinelle a été agressée sexuellement, battue violemment et laissée pour morte sur le bord de la rivière Assiniboine, à Winnipeg. Elle a été découverte à cet endroit plus tard et, chose remarquable, elle a survécu à cette violente attaque. Deux hommes sont maintenant accusés d'agression sexuelle et de tentative de meurtre dans cette affaire. Les paroles qu'elle a adressées à l'assemblée étaient puissantes, et j'aimerais les lire pour qu'elles figurent dans le compte rendu :

Je m'appelle Rinelle Harper, et je suis membre de la nation de Garden Hill. Je suis ici pour parler de la fin de la violence faite aux jeunes femmes (autochtones).

Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui pour vous dire quelques mots au nom de ma famille, et je remercie tout le monde pour ses encouragements et ses prières. Je sais qu'un peu partout au pays, plusieurs personnes cherchent déjà des moyens de mettre fin à la violence contre les femmes et les jeunes filles autochtones, mais personnellement, je souhaite simplement continuer à vivre ma vie, et je suis contente de savoir que je vais pouvoir retourner à l'école, revoir mes amis et passer du temps avec ma famille. Parmi les personnes qui sont venues me voir, certaines m'ont raconté leur processus de guérison. J'aimerais que tout le monde se rappelle ces quelques mots tout simples : amour, gentillesse, respect et pardon. La survivante que je suis vous met humblement au défi, tous autant que vous êtes, de réclamer une commission nationale d'enquête sur les femmes autochtones tuées ou portées disparues. Meegwitch. Merci.

(1340)

Honorables sénateurs, j'espère que vous vous joindrez à moi pour féliciter Rinelle du courage incroyable et de la détermination dont elle fait preuve. J'espère aussi que ses mots sauront toucher les sénateurs et les convaincre de relever le défi qu'elle nous lance, celui de réclamer la tenue d'une commission nationale d'enquête sur les femmes autochtones tuées ou portées disparues.

La Journée des droits de l'homme

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, le monde soulignait hier la Journée des droits de l'homme, qui avait pour thème en 2014 « Droits de l'homme, 365 jours par an ».

Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, ce thème :

[...] souligne la promesse de la Déclaration universelle que chacun d'entre nous, partout, à tout moment a le droit de jouir de la gamme complète des droits de l'homme, que ces droits sont inaliénables et nous unissent en tant que communauté mondiale avec les mêmes idéaux et valeurs.

Le 26 novembre, le plus prestigieux des prix européens pour les droits de l'homme a été remis à un homme qui incarne ces valeurs et ces idéaux. Le Dr Denis Mukwege a en effet reçu le Prix Sakharov pour la liberté de l'esprit pour l'année 2014. Il a dédié son prix aux quelque 30 000 victimes de viol et de violences sexuelles qui ont pu se faire traiter à l'hôpital qu'il dirige dans l'Est de la République démocratique du Congo.

Surmontant les pénuries d'anesthésiques et d'électricité dans une région où le viol a été utilisé comme arme de guerre, l'hôpital de Panzi, fondé par le Dr Mukwege, a été décrit comme « un symbole d'espoir et un refuge pour les personnes ayant survécu à des actes de violence fondée sur le sexe ».

La Journée des droits de l'homme survient peu de temps après le Jour commémoratif de la famine et du génocide ukrainiens. Le Jour commémoratif de l'Holodomor vise à honorer la mémoire des millions de victimes des politiques de collectivisation agricole de Joseph Staline en 1932 et 1933. Ce jour réaffirme également notre engagement à ne plus jamais permettre que des aliments soient utilisés comme des armes. Pourtant, la famine et la violence sexuelle continuent d'être utilisées pour déshumaniser et détruire des êtres humains.

La Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies nous rappelle que :

[...] la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde.

Pourtant, les principes de cette déclaration demeurent une aspiration lointaine pour les jeunes filles forcées de se marier, les garçons forcés de travailler, les membres des minorités religieuses, les prisonniers politiques, les minorités ethniques, la communauté LGBT et bien d'autres.

Honorables sénateurs, réaffirmons notre respect des droits de la personne. Respectons les pactes internationaux qui font du respect des droits de la personne la responsabilité de tous les pays, tous les jours de l'année.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

La Commission de la santé mentale du Canada

Dépôt du rapport annuel de 2013-2014

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel de 2013-2014 de la Commission de la santé mentale du Canada, intitulé Ensemble, nous accélérons le changement : Agir au regard de la Stratégie en matière de santé mentale pour le Canada.

[Traduction]

La défense nationale

Les avions chasseurs—Dépôt de documents

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, les documents suivants : Capacité de la prochaine génération des chasseurs — Mise à jour annuelle 2014; Participation de l'industrie canadienne au Programme d'avions de combat interarmées F-35 (automne 2014); Rapport final de la mise à jour annuelle 2014 du ministère de la Défense nationale : Examen indépendant du coût du cycle de vie de la capacité de la prochaine génération de chasseurs.

[Français]

La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés
La Loi sur le mariage civil
Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Présentation du dixième rapport du Comité des droits de la personne

L'honorable Mobina S. B. Jaffer, présidente du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, présente le rapport suivant :

Le jeudi 11 décembre 2014

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a l'honneur de présenter son

DIXIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi S-7, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, la Loi sur le mariage civil, le Code criminel et d'autres lois en conséquence, a, conformément à l'ordre de renvoi du 27 novembre 2014, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement, mais avec des observations qui sont annexées au présent rapport.

Respectueusement soumis,

La présidente,
MOBINA S. B. JAFFER

(Le texte des observations figure à l'annexe A des Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 1470.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Ataullahjan, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

Projet de loi concernant le cadre fédéral relatif à la maladie de Lyme

Présentation du dix-septième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie

L'honorable Kelvin Kenneth Ogilvie, président du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, présente le rapport suivant :

Le jeudi 11 décembre 2014

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a l'honneur de présenter son

DIX-SEPTIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-442, Loi concernant le cadre fédéral relatif à la maladie de Lyme, a, conformément à l'ordre de renvoi du mardi 30 septembre 2014, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis

Le président,
KELVIN K. OGILVIE

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Johnson, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Banques et commerce

Budget et autorisation d'embaucher du personnel et de se déplacer—L'étude sur l'utilisation de la monnaie numérique—Présentation du huitième rapport du comité

L'honorable Irving Gerstein, président du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, présente le rapport suivant :

Le jeudi 11 décembre 2014

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a l'honneur de présenter son

HUITIÈME RAPPORT

Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le mardi 25 mars 2014 à examiner, pour en faire rapport, l'utilisation de la monnaie numérique, demande respectueusement des fonds pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2015 et demande qu'il soit, aux fins de ses travaux, autorisé à :

a) embaucher tout conseiller juridique et personnel technique, de bureau ou autre dont il pourrait avoir besoin; et

b) voyager à l'extérieur du Canada.

Conformément au Chapitre 3:06, article 2(1)c) du Règlement administratif du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration ainsi que le rapport s'y rapportant sont annexés au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,
IRVING GERSTEIN

(Le texte du budget figure à l'annexe B des Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 1472.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Gerstein, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

(1350)

Transports et communications

Budget et autorisation de se déplacer—L'étude sur les défis que doit relever la Société Radio-Canada—Présentation du dixième rapport du comité

L'honorable Dennis Dawson, président du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, présente le rapport suivant :

Le jeudi 11 décembre 2014

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a l'honneur de présenter son

DIXIÈME RAPPORT

Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le lundi 9 décembre 2013 à examiner, pour en faire rapport, les défis que doit relever la Société Radio-Canada en matière d'évolution du milieu de la radiodiffusion et des communications, demande respectueusement des fonds pour l'exercice financier se terminent le 31 mars 2015 et demande qu'il soit, aux fins de ses travaux, autorisé à voyager à l'extérieur du Canada.

Le budget présenté par le comité au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration a été imprimé dans les Journaux du Sénat le 5 juin 2014. Le 10 juin 2014, le Sénat a approuvé un déblocage partiel de fonds de 262 811 $ au comité. Le rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration recommandant un déblocage additionnel de fonds est annexé au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,
DENNIS DAWSON

(Le texte du budget figure à l'annexe C des Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 1480.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Dawson, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

Pêches et océans

Budget—L'étude sur la réglementation de l'aquaculture, les défis actuels et les perspectives d'avenir de l'industrie—Présentation du septième rapport du comité

L'honorable Fabian Manning, président du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, présente le rapport suivant :

Le jeudi 11 décembre 2014

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans a l'honneur de présenter son

SEPTIÈME RAPPORT

Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le lundi 9 décembre 2013 à étudier, afin d'en faire rapport, la réglementation de l'aquaculture, les défis actuels et les perspectives d'avenir de l'industrie au Canada, demande respectueusement des fonds supplémentaires pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2015.

Conformément au Chapitre 3:06, article 2(1)c) du Règlement administratif du Sénat, le budget supplémentaire présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration ainsi que le rapport s'y rapportant sont annexés au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,
FABIAN MANNING

(Le texte du budget figure à l'annexe D des Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 1482.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Manning, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

L'ajournement

Préavis de motion

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, lorsque le Sénat s'ajournera après l'adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu'au lundi 15 décembre 2014, à 17 heures et que l'application de l'article 3-3(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

[Français]

L'Assemblée parlementaire de la Francophonie

La session de l'Assemblée régionale Amérique, tenue du 4 au 8 août 2014—Dépôt du rapport

L'honorable Paul E. McIntyre : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de la section canadienne de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) concernant sa participation à la 30e Session de l'Assemblée régionale Amérique de l'APF, tenue à Toronto, au Canada, du 4 au 8 août 2014.

La session de l'Assemblée régionale Europe, tenue du 28 septembre au 1er octobre 2014—Dépôt du rapport

L'honorable Paul E. McIntyre : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de la section canadienne de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) concernant sa participation à la 27e Session de l'Assemblée régionale Europe de l'APF, tenue à Varsovie, en Pologne, du 28 septembre au 1er octobre 2014.

[Traduction]

L'Association interparlementaire Canada-Royaume-Uni

La visite bilatérale à Londres et à Cardiff, au Royaume-Uni, du 18 au 25 janvier 2014—Dépôt du rapport

L'honorable Nancy Ruth : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Association interparlementaire Canada-Royaume-Uni concernant sa participation à la visite bilatérale à Londres et à Cardiff, au pays de Galles, au Royaume-Uni, du 18 au 25 janvier 2014.

[Français]

Finances nationales

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à siéger à 15 heures le lundi 15 décembre 2014, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

[Traduction]

Affaires juridiques et constitutionnelles

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Bob Runciman : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et par dérogation à l'article 5-8(a) du Règlement, je propose :

Que, pour le vendredi 12 décembre 2014, pour les fins de son examen des projets de lois, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à siéger même si le Sénat siège à ce moment-là, l'application de l'article 12-18(1) du Règlement étant suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

L'Université Trinity Western

Préavis d'interpellation

L'honorable Donald Neil Plett : Honorables sénateurs, je donne préavis que, dans deux jours :

J'attirerai l'attention du Sénat sur la décision prise par certains barreaux provinciaux de refuser de reconnaître la nouvelle école de droit de l'Université Trinity Western.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Le patrimoine canadien

Les sports—La règlementation antidopage

L'honorable Jim Munson : Monsieur le leader, j'ai une question qui a été soumise par M. Lucas Wilson, de Toronto, en Ontario, dans le cadre de l'initiative « Votre période des questions ». M. Wilson dit ceci :

Le dopage est, depuis un certain temps, un problème majeur dans les sports amateurs et professionnels. Bien souvent, même si les régimes de dépistage des drogues sont très évolués, les athlètes peuvent éviter pendant de longues périodes de se faire attraper.

Des sanctions plus sévères à l'égard des athlètes et des entraîneurs devraient être prévues, y compris, dans les cas les plus graves, des sanctions pénales. L'Allemagne propose de telles mesures.

(1400)

M. Lucas Wilson demande ceci :

Est-ce que le gouvernement du Canada prend des mesures à l'égard de cet enjeu important?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Sénateur, comme vous le savez, le sport amateur est régi, entre autres, par différentes organisations, y compris les associations et les fédérations sportives de chacun des sports individuels ou collectifs, et est chapeauté par l'Association olympique canadienne qui, pour sa part, est membre du Comité International Olympique. Celui-ci collabore avec une association internationale de dopage, dont le siège social, sauf erreur, est situé ici, au Canada. Cette association veille au respect des règles en ce qui concerne le dopage. Nous faisons pleinement confiance à ces centres d'expertise pour déterminer les meilleurs moyens de contrer le dopage au sein du sport amateur et olympique.

[Traduction]

Le sénateur Munson : Je vous remercie de votre réponse, monsieur le leader, mais M. Wilson a raison, le dopage demeure un grave problème. Nous l'avons vu en janvier 2013, lorsque Lance Armstrong, le célèbre cycliste de compétition sur route américain, a publiquement admis s'être dopé.

Bien entendu, notre pays a également connu des cas notoires de dopage. J'étais là en 1988 à Séoul et j'ai vu Ben Johnson être déshonoré après avoir couru le 100 mètres et avoir été testé positif à plusieurs produits dopants, dont un produit interdit. Nous avons eu la Commission Dubin.

À mon avis, M. Wilson veut avoir la certitude que la réglementation canadienne est, selon vous, assez rigoureuse, étant donné que les Jeux panaméricains et les Jeux parapanaméricains se tiendront à Toronto l'année prochaine.

[Français]

Le sénateur Carignan : Honorable sénateur, comme je l'ai dit, c'est la responsabilité des organisations de sport amateur et olympique canadiennes et internationales de s'assurer de l'adoption de règles sévères et de veiller à ce que ces règles ne soient pas contournées ou enfreintes. Quant à nous, nous nous efforçons de promouvoir de saines habitudes de vie. D'ailleurs, je veux saluer le travail qui a été fait par notre collègue, l'honorable Nancy Greene Raine, en ce qui concerne la Journée nationale de l'activité sportive qui est, je crois, une initiative digne de mention en vue d'encourager les Canadiens à pratiquer une activité sportive saine.

[Traduction]

Le sénateur Munson : Quel rôle de surveillance le gouvernement du Canada joue-t-il? Vous êtes un partenaire; nous sommes tous des partenaires. Le Canada a été déshonoré en 1988 en raison de ce qui s'est passé à Séoul, en Corée du Sud.

Quel est le rôle du gouvernement? Travaillez-vous en étroite collaboration? Participez-vous au processus? Vous avez parlé de l'expertise et des organisations qui possèdent des mesures très strictes de contrôle des médicaments. Que fait le gouvernement à cet égard?

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénateur, notre gouvernement soutient les organisations sportives, les associations, les fédérations et l'Association olympique canadienne. Il soutient également les athlètes grâce à l'attribution de différentes enveloppes, qui sont destinées tant aux athlètes eux-mêmes qu'aux associations. Les associations ont le mandat d'adopter les règlements qui s'imposent pour discipliner leurs membres et pour adhérer aux règles internationales et nationales en matière de dopage.

[Traduction]

La sécurité publique

La prévention de la traite des personnes

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Monsieur le leader, j'ai une autre question à propos des Jeux panaméricains. Lors de la tenue des Jeux olympiques d'hiver à Vancouver, nous nous inquiétions de la traite de femmes et d'enfants venant de l'étranger à l'occasion de cet événement. Je dois dire que le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et les municipalités ont travaillé très fort dans ce dossier. Nous estimons que bien peu de femmes et de jeunes filles faisant l'objet de cette traite ont pu entrer dans notre pays.

Quelles mesures le gouvernement met-il en place cette fois-ci pour s'assurer qu'aucune femme et aucune jeune fille ne fassent l'objet de traite des personnes pendant les Jeux panaméricains?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Sénatrice, je pense que le département de sécurité publique des services de police et les services du renseignement veillent à l'application quotidienne des lois canadiennes. C'est notre travail, à titre de politiciens, de nous assurer d'établir des priorités et d'adopter les lois, et c'est aux services de police ou de sécurité de veiller au respect et à l'application de ces lois. Ainsi, je suis persuadé que nos services de police canadiens emploieront les moyens à leur disposition pour empêcher que des actes criminels ne soient commis ici, au Canada, comme ils le font de façon quotidienne, d'ailleurs.

[Traduction]

La sénatrice Jaffer : Je vous remercie de cette réponse, monsieur le leader. Je me permets de vous demander respectueusement de chercher à savoir exactement ce que font les services de police pour s'assurer qu'aucune femme et aucun enfant venant de l'extérieur de notre pays ne fassent l'objet de traite de personnes, comme nous l'avons fait pour les Jeux olympiques d'hiver.

[Français]

Le sénateur Carignan : Comme je l'ai dit, les services policiers travaillent en collaboration et s'assurent que les lois canadiennes soient respectées. J'ai pleinement confiance en leur capacité d'utiliser les moyens à leur disposition pour effectuer ce travail.

Le commerce international

L'Accord économique et commercial global Canada-Union européenne

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Monsieur le leader, dans votre réponse d'hier, vous avez prétendu que les provinces étaient entre bonnes mains sous un régime conservateur. J'aimerais vous rappeler certaines méthodes qu'a utilisées celui-ci récemment pour traiter avec les provinces.

Il y a d'abord la Commission nationale des valeurs mobilières unique, qui sera instaurée contre la volonté du Québec et de l'Alberta. On se pose encore la question de savoir pourquoi le gouvernement veut faire intrusion dans ce domaine, alors qu'il n'y a aucune garantie que le travail qui s'y fera sera supérieur à celui qui se fait déjà dans les provinces.

Deuxièmement, le gouvernement fédéral, contre l'avis extrêmement ferme du gouvernement provincial, est allé jusqu'à obliger le Québec à faire appel à la Cour suprême pour préserver un registre d'armes à feu.

Vous avez également mené une réforme de l'assurance-emploi qui a vraiment incommodé et surtout pénalisé les provinces maritimes.

On a entendu hier que le premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador menace de retirer son appui à l'accord de libre-échange, en raison d'une mesure de 400 millions de dollars qui viserait à recycler certains travailleurs dans le domaine des pêcheries. Aujourd'hui, on apprend que le premier ministre Harper — on comprend qu'il était hier à Montréal — a accepté de rencontrer M. Davis.

Le leader du gouvernement au Sénat peut-il nous dire quand le gouvernement sera prêt à écouter un premier ministre provincial et à en venir à un accord — car il y a un an qu'on discute de ce cas — d'une façon qui soit dans l'intérêt de cette province et de ses citoyens, plutôt que sous une forme idéologique?

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : J'essaie toujours, avec beaucoup d'attention, d'écouter les questions de la sénatrice Hervieux-Payette et de cerner le sujet précis de la question. Si j'ai bien compris sa question, elle fait référence à une déclaration du premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, Paul Davis, énoncée lors d'une conférence de presse sur le sujet de l'accord de libre-échange, particulièrement sur le fonds de 400 millions de dollars qui vise les exigences de transformation minimales. Nonobstant l'introduction, je crois comprendre que c'est le sujet de sa question.

Sénatrice, nous restons déterminés à régler les détails du fonds en ce qui concerne les exigences de transformation minimales avec le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador. Ce fonds a été créé pour compenser les pertes prévues découlant du retrait des exigences de transformation minimales.

(1410)

Ce fonds n'a jamais été destiné à servir de chèque en blanc afin de donner à l'industrie de Terre-Neuve-et-Labrador un avantage indu par rapport aux autres provinces de l'Atlantique.

Nous avons été clairs dès le début quant au fait que le fonds devait servir à compenser des pertes attestées. Les fonctionnaires fédéraux restent ouverts aux propositions qu'ils recevront de leurs homologues provinciaux sur la manière de mettre en œuvre le fonds, au regard des exigences de transformation minimales.

Vous pouvez être assurée que le premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador bénéficiera, comme tous les premiers ministres des provinces, de l'attention de notre premier ministre.

La sénatrice Hervieux-Payette : Je m'excuse si mon collègue du Québec ne comprend pas mon français; il me faudra peut-être revenir à l'anglais pour poser mes questions.

J'énumérais le nom de provinces ou de premiers ministres qui essaient de planifier une rencontre pour en arriver à une entente avec Ottawa afin de favoriser une unité d'action politique. On peut penser à la première ministre de l'Ontario, Mme Wynne, qui tente désespérément de rencontrer le premier ministre depuis près d'un an; pourtant, ils sont dans la même province, et il me semble que ce n'est pas très compliqué d'organiser une rencontre.

Ici, on parle de M. Davis; M. Davis s'occupe de ses citoyens. On dit qu'il doit éliminer le règlement sur la transformation des poissons qui vise à protéger les stocks de poissons, les normes de qualité de l'industrie de la pêche et l'emploi local. Le premier ministre est certainement en droit d'exiger cette compensation financière, mais pourquoi, après un an, n'en est-on pas encore parvenu à un accord, et pourquoi ne peut-on s'asseoir avec lui? Je ne pense pas qu'il ait l'intention de dépenser ces sommes dans le secteur agricole; à ce que je sache, il y a surtout des pêcheries là-bas. Pourquoi nos ententes avec les Européens réduiraient-elles les emplois au Canada, alors que vous nous promettez toujours 80 000 emplois? Combien de gens seront mis à la porte des usines de traitement de poisson de Terre-Neuve-et-Labrador?

Le sénateur Carignan : Merci, sénatrice. Vous me permettrez de profiter de l'occasion pour féliciter les citoyens qui utilisent vos services pour poser des questions, qu'ils réussissent à rédiger avec beaucoup de clarté et dont on peut comprendre assez facilement le sujet, contrairement à d'autres personnes qui ne s'inspirent pas nécessairement des questions des citoyens.

Finalement, en ce qui a trait à votre question plus précise, comme je l'ai dit, nous restons déterminés à régler les détails des exigences minimales de transformation liées au fonds avec le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice Hervieux-Payette : J'aimerais simplement demander à mon collègue d'être un peu plus respectueux. Je pense que mes questions sont très compréhensibles. Mes collègues, ici, ne m'ont jamais avisée du contraire. Si on devait parler de la compréhension de mes questions, on pourrait également se questionner sur vos réponses.

Le sénateur Carignan : À une question complexe, une réponse complexe.

[Traduction]

La Loi sur les parcs nationaux du Canada

Projet de loi modificatif—Message des Communes

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada (réserve à vocation de parc national Nááts'ihch'oh du Canada), accompagné d'un message informant le Sénat qu'elle a adopté le projet de loi sans amendements.


ORDRE DU JOUR

Projet de loi corrective de 2014

Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Paul E. McIntyre propose que le projet de loi C-47, Loi visant à corriger des anomalies, contradictions ou erreurs relevées dans les Lois du Canada et à y apporter d'autres modifications mineures et non controversables ainsi qu'à abroger certaines dispositions ayant cessé d'avoir effet, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, pour la première fois depuis plus de 10 ans, nous débattons à la Chambre haute d'un projet de loi corrective à l'étape de la deuxième lecture. Par le passé, des projets de loi de ce genre ont été adoptés au moyen de la procédure normale, sur laquelle je reviendrai dans quelques minutes.

Créé en 1975, le Programme de correction des lois est administré par la Section de la législation du ministère de la Justice. Il sert à faire le ménage dans les lois fédérales.

Selon le ministre de la Justice de l'époque, ce type de réforme du droit avait pris du retard, notamment en raison des pressions exercées par le temps dont dispose la Chambre. Pour être admissible au Programme de correction des lois, une proposition de modification ne doit pas être controversable, ni comporter de dépense de fonds publics, ni porter atteinte aux droits de la personne, ni créer d'infraction, ni étendre la portée d'un texte d'incrimination existant.

Les mesures législatives qui relèvent du Programme de correction des lois ne sont pas adoptées selon la démarche parlementaire habituelle. On suit plutôt un processus qui permet d'élaborer un projet de loi qui ne prête pas à controverse de façon que, une fois présenté au Parlement, il soit probable qu'il soit adopté rapidement à chacune des trois lectures dans les deux Chambres, auxquelles il demande donc peu de temps.

Dans le cadre du programme de correction des lois, on dépose, dans un premier temps, un avant-projet de loi, également appelé proposition ou proposition législative, au Sénat et à la Chambre des communes. L'avant-projet de loi est déposé au Sénat aux termes de l'article 14-1 du Règlement du Sénat et à la Chambre des communes conformément à l'article 32 du Règlement de la Chambre des communes..

En 2001, dernière année où une loi a été adoptée dans le cadre du programme de correction des lois, l'avant-projet de loi, les Propositions visant la préparation de la Loi corrective de 2001, a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles et au Comité permanent de la justice et des droits de la personne.

Il importe de signaler que l'avant-projet de loi peut être étudié par les comités sans que s'appliquent les contraintes des règles du processus législatif. En général, la procédure suivie par les comités veut que, si un membre du comité s'oppose à une modification proposée, le comité recommande qu'elle ne figure pas dans le projet de loi que le gouvernement fera rédiger.

La deuxième étape est la mise au point de la version définitive par le gouvernement, qui tient compte des rapports des comités, après quoi le projet de loi est présenté au Parlement. Une fois présenté, il suit le processus parlementaire habituel.

Toutefois, comme les comités des deux Chambres ont déjà étudié le contenu du projet de loi, celui-ci franchit les étapes des trois lectures à chacune des deux Chambres sans être renvoyé à un comité. Voilà pourquoi on dit que les lois correctives font l'objet d'un processus d'adoption accéléré.

Depuis la mise sur pied du Programme de correction des lois, en 1975, les 10 lois suivantes ont été adoptées selon cette formule différente : la Loi corrective de 1977; la Loi corrective de 1978; la Loi corrective de 1981; la Loi corrective de 1984; la Loi corrective de 1987; la Loi corrective de 1991; la Loi corrective de 1993; la Loi corrective de 1994; la Loi corrective de 1999; la Loi corrective de 2001.

Chers amis, chers collègues, honorables sénateurs, je vous serais grandement reconnaissant de votre soutien pour que le projet de loi soit adopté dans l'esprit d'impartialité qui a régné au cours de son étude au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, le débat est ajourné.)

(1420)

La Loi sur l'emploi dans la fonction publique

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Stewart Olsen, appuyée par l'honorable sénateur Ogilvie, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-27, Loi modifiant la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (accès élargi à l'embauche pour certains militaires et anciens militaires des Forces canadiennes).

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, je vais tenter de décrire les antécédents du projet de loi ainsi que son objectif dans l'espoir que, ce faisant, nous pourrons en apprendre davantage sur ses principes de base, puisque notre objectif, à l'étape de la deuxième lecture, consiste à examiner le principe du projet de loi à l'étude et à déterminer si, du moins en principe, il est digne de notre appui et s'il vaut la peine de le renvoyer au comité.

Les honorables sénateurs savent déjà que l'appareil gouvernemental et le fonctionnement du gouvernement font partie du mandat du Comité des finances, au même titre que les questions financières.

Des représentants de la Commission de la fonction publique ont comparu devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales dans le cadre de son étude du Budget principal des dépenses de 2012-2013. Il convient de rappeler une des observations que nous avons faites dans le rapport. C'est une observation attribuable à Maria Barrados, qui était commissaire de la fonction publique à l'époque. Elle a dit que les ministères et organismes gouvernementaux doivent veiller à ce que les bénéficiaires de priorité — les priorités sont établies dans le cadre du processus d'embauche — sont considérés au moment de pourvoir les postes vacants et embauchés s'ils ont les compétences voulues.

Les vérifications de la Commission de la fonction publique ont révélé un manque d'uniformité dans l'exécution des droits de priorité. Certaines organisations, par exemple, ont recours à un énoncé des critères de mérite bien plus rigoureux pour les bénéficiaires de priorité — et c'est un des critères, une des exceptions : seules les personnes qui répondent aux critères de mérite peuvent être nommées, mêmes si elles appartiennent à une catégorie de droit de priorité — alors que d'autres ont peine à démontrer clairement que les critères des droits de priorité ont été respectés.

Les représentants de la Commission de la fonction publique ont également informé le comité que le nombre de postes prioritaires avait augmenté, passant de 1 500 ou presque 1 600 en 2010-2011 à 1 800 en 2011-2012 et à 2 700 à la fin d'octobre 2012. On peut donc supposer qu'il y en avait plus de 3 000 à la fin de cette année-là.

Les personnes qui ont priorité se classent dans trois grandes catégories : les employés excédentaires de l'organisation, les employés en congé depuis plus d'un an et dont le poste était doté pour une période indéterminée, c'est-à-dire de façon permanente, par d'autres personnes en leur absence, et enfin les personnes mises à pied. Ce sont donc là les groupes prioritaires de base qui existaient à ce moment-là.

Le projet de loi à l'étude vise à créer une nouvelle catégorie prioritaire pour le personnel des Forces canadiennes et plus particulièrement les membres du personnel qui ont obtenu une libération honorable après avoir été blessés en service.

En réponse à la question qu'un sénateur a posée aux représentants de la Commission de la fonction publique au sujet du recrutement d'anciens membres des Forces canadiennes par les ministères et organismes fédéraux, ces représentants ont expliqué au Comité des finances, il y a deux ans, que les membres des Forces canadiennes libérés pour des raisons d'ordre médical sont inscrits dans le système de priorité de la Commission de la fonction publique une fois qu'ils ont été déclarés aptes au travail. C'est donc cette commission qui tient une liste des anciens combattants qui ne peuvent poursuivre leur travail à la Défense nationale, mais qui sont toujours aptes à travailler et en mesure d'accomplir d'autres tâches dans la fonction publique.

Comme vous le savez, la Commission de la fonction publique est l'organisme chargé de l'embauche pour tous les postes de l'appareil gouvernemental, mais nous avons appris qu'elle avait délégué cette responsabilité aux divers ministères, qui sont censés se conformer aux règles de priorité adoptées par la Commission de la fonction publique, et c'est le rôle de celle-ci de vérifier comment chacun des ministères s'acquitte de sa responsabilité pour s'assurer que les règles sont respectées et que les priorités établies le sont aussi.

Dans le régime actuel, avant l'adoption du projet de loi, les employés excédentaires sont au premier rang des priorités, aux termes de la loi, pour les nominations à l'intérieur de leur propre organisation.

Cela suppose deux choses. D'abord, il s'agit ici d'une priorité aux termes de la loi, mais un autre groupe détient une priorité aux termes du règlement. Nous devons considérer tous ces cas pour définir les priorités et les classer dans l'ordre de préférence. De plus, à l'intérieur des diverses organisations, cette notion de priorité veut dire qu'il y a des concours internes et des concours externes. Dans un ministère donné, la personne mise à pied postule un poste dans son ministère. C'est un concours interne. Le concours est externe si une personne d'un ministère qui ne peut y trouver un poste se tourne vers un autre ministère pour voir s'il peut s'y placer. C'est un concours externe.

De 2008 à 2012, les nominations d'anciens combattants libérés pour des raisons d'ordre médical ont atteint le taux le plus élevé de placement, et c'est très bien : 72 p. 100 des groupes prioritaires aux termes de la loi actuelle. Toutefois, à cause de l'examen des dépenses du gouvernement, en 2012, un plus grand nombre d'employés excédentaires, d'employés mis à pied, se sont retrouvés dans le système de priorité. En fait, le vérificateur général a fait savoir qu'environ 25 000 fonctionnaires avaient été déclarés excédentaires. La loi existante leur donne la priorité. Ils sont au premier rang des priorités, comme je l'ai dit. La difficulté, par conséquent, c'est que, par suite de l'examen des dépenses et de l'arrivée de tous ces employés excédentaires dans le système de priorité, il y a eu des répercussions terribles sur les efforts visant à donner la priorité aux membres du personnel des Forces canadiennes qui ont quitté leur poste à cause d'une blessure subie pendant le service.

Avant les mises à pied, le taux atteignait 72 p. 100. Le système fonctionnait à merveille. Il semblerait donc, honorables sénateurs, que ce soit ce qui explique la présentation du projet de loi à l'étude, le projet de loi C-27.

Examinons d'abord la loi actuelle. La loi, c'est-à-dire la loi proprement dite, ainsi que son règlement d'application établissent les priorités, comme je l'ai indiqué. Donc, des priorités sont énoncées tant dans la loi que dans le règlement. Nous avons également trouvé certaines définitions à divers endroits dans une annexe à la loi. Il faut consulter tous ces documents pour être en mesure de déterminer où nous en sommes par rapport aux priorités.

Le système de priorités fondamental de la Commission de la fonction publique, comme je l'ai expliqué, est le principal outil utilisé pour établir les priorités conformément à la loi.

(1430)

Les priorités actuelles sont énoncées au paragraphe 35(1) de la loi actuelle. À la lecture de ce paragraphe, nous constatons qu'une priorité a été établie pour les membres des Forces armées canadiennes. Au titre du paragraphe 35.1(1), les membres des Forces armées canadiennes se sont vu accorder la priorité dans le cadre de processus de nomination internes, pourvu qu'ils satisfassent aux critères établis par la Commission de la fonction publique. Priorités internes, priorités supérieures, priorités réglementaires — il s'agit de priorités prévues dans la loi, et elles font référence aux membres des Forces armées canadiennes. Il n'y est pas question de membres retraités. Il s'agit de membres qui sont toujours en service.

Le projet de loi vise à faire ajouter le personnel récemment retraité à la liste des priorités pour les processus de nomination interne. Voilà l'une des choses que le projet de loi tente de faire, c'est-à-dire étendre la portée des priorités. Il importe de se rappeler que les membres des Forces armées canadiennes faisaient et font toujours partie des employés bénéficiant d'une priorité.

L'article 39 de la loi actuelle fait également état d'une autre priorité dont nous devons tenir compte. Il est question à cet article du processus de nomination externe annoncé — il s'agit d'un deuxième groupe, n'est-ce pas? Des nominations internes, externes, un peu partout à la fonction publique. Cette priorité en particulier vise les anciens combattants et les survivants des anciens combattants.

Le problème est le suivant. Lorsque 25 000 personnes sont à la recherche d'un nouvel emploi, cette priorité en particulier ne sera probablement pas très utile, puisque l'on aura d'abord recours aux nominations internes. Comme les membres mis en disponibilité correspondent à cette catégorie, tout poste vacant sera rapidement doté.

Ces catégories existent et il est important de les connaître. Il faudra demander aux représentants du gouvernement ce que révèlent les statistiques sur les catégories qui existent déjà.

Quel est l'objectif du projet de loi? Comme je l'ai indiqué, il ajoute au paragraphe 39(1) une catégorie de gens qui ne portent plus l'uniforme, ce qui sera utile.

Je voulais aborder un point que j'estime important et qui me déçoit. Dans le paragraphe 39(1), on parle des anciens combattants et de leurs survivants. Donc, le terme « ancien combattant » a été redéfini dans la loi. Nous devrions d'abord aller voir la définition actuelle présentée dans l'annexe du projet de loi ou de la loi existante.

La définition du terme « ancien combattant » se trouve à la page 44 de la loi, si vous souhaitez en consulter le texte. Les différentes catégories concernent les anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale. Il s'agit de personnes âgées de 70, 75, 80 ou 85 ans. Elles n'incluent pas les anciens combattants d'aujourd'hui. Il est peu probable qu'on applique le privilège de la priorité à ces personnes âgées de 75 à 90 ans.

Quant au terme « survivant d'un ancien combattant », il est défini ainsi :

L'époux survivant ou le conjoint de fait survivant d'une personne décédée des suites de la guerre au titre de laquelle elle était ancien combattant.

On parle ici d'une personne de 75 ou 90 ans qui décède des blessures subies alors qu'elle était en service. Il s'agit de leur conjoint et du conjoint seulement, et non de leurs enfants.

Nous avons l'occasion de modifier cette disposition, puisque le groupe auquel elle s'applique est vieillissant, afin d'aider les anciens combattants d'aujourd'hui. En analysant les modifications proposées pour le projet de loi à l'étude, on constate qu'ils — si j'étais en mesure de le trouver, je vous le lirais. Toujours est-il qu'une des modifications concerne les anciens combattants, et c'est tant mieux. On propose d'ajouter un paragraphe f) à la définition du terme « ancien combattant » qui, en gros, inclurait les anciens combattants d'aujourd'hui en plus de ceux de la Seconde Guerre mondiale. Selon nous, c'est une excellente chose.

Honorables sénateurs, pourrais-je avoir encore quelques minutes pour finir d'expliquer le contenu du projet de loi?

Son Honneur le Président intérimaire : Les sénateurs accordent-ils cinq minutes au sénateur Day?

Des voix : Oui.

Le sénateur Day : Merci. La définition du terme « ancien combattant » a été élargie, et c'est tant mieux. Malheureusement, malgré cette extension de la définition pour englober les anciens combattants récents, la définition de « survivant d'un ancien combattant » ne comprend toujours pas les enfants d'un ancien combattant. Il peut parfois arriver que ce ne soit pas le conjoint qui s'occupe de l'ancien combattant, mais un enfant de celui-ci. À mon avis, il serait souhaitable d'élargir la définition de « survivant d'un ancien combattant » pour englober, en plus du conjoint, les enfants.

Deuxièmement, mis à part le fait que seul l'époux ou le conjoint de fait est considéré comme « survivant d'un ancien combattant », on en reste toujours aux seuls anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale, même si la définition d'« ancien combattant » a été élargie. Les alinéas a), b), c) et d) concernent les anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale, le f), les anciens combattants récents. La définition de « survivant d'un ancien combattant » ne renvoie qu'aux quatre premiers alinéas et non à l'ajout f) apporté à la définition.

Pourquoi ce dernier alinéa a-t-il été laissé de côté? Est-ce un oubli? Nous devrons essayer de le savoir lorsque le ministre comparaîtra. Assurément, si on a élargi la définition d'« ancien combattant », on serait porté à penser qu'il fallait faire la même chose pour la définition de « survivant d'un ancien combattant ». Il reste que le projet de loi écarte très expressément les anciens combattants récents de la définition de « survivant d'un ancien combattant ».

Que fait donc le projet de loi? Il donne un droit de priorité à une survivante âgée de 85 ans d'un ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale. Cette disposition sera-t-elle souvent invoquée? Quelle est l'importance, honorables sénateurs, de cet avantage que nous sommes censés accorder à beaucoup d'anciens combattants et de survivants d'anciens combattants? Quand on scrute les détails de cette disposition, on fait un constat très décourageant.

Présumons et espérons que, lorsque ce fait sera signalé au ministre pendant l'étude au comité, nous pourrons apporter un amendement à cet égard.

L'autre élément très important du projet de loi est cette nouvelle priorité absolue pour les anciens combattants qui ont servi dans les Forces canadiennes et ont été blessés pendant leur service, la blessure étant attribuable à leur service. Si ces deux critères sont respectés, l'ancien combattant aura une priorité absolue. Nous sommes d'accord, mais cette mesure s'est longtemps fait attendre. Elle est nécessaire à cause du grand nombre de fonctionnaires dans la fonction publique, des 25 000 fonctionnaires mis à pied et qui avaient jusqu'ici la priorité. Nous accordons une priorité de rang supérieur à l'ancien combattant blessé qui ne peut pas rester dans les Forces canadiennes et qui a subi cette blessure pendant qu'il était au service du Canada. J'appuie cette mesure à fond.

(1440)

Honorables sénateurs, voilà quelques-uns des points que j'ai retenus en prenant connaissance de la loi, de son annexe, du règlement et des modifications. Nous avons hâte de faire un bon examen approfondi du projet de loi au comité, et j'espère que nous pourrons rattraper certains oublis et combler certaines lacunes.

Merci, honorables sénateurs.

L'honorable Percy E. Downe : Merci de ce survol, sénateur Day.

L'une des dispositions qui me préoccupaient le plus a eu pour conséquence que, jusqu'en 2010, 387 anciens combattants libérés pour des raisons d'ordre médical qui se trouvaient sur la liste prioritaire en ont été rayés parce que la période de deux ans était terminée. Je suis heureux que la période soit prolongée.

Le deuxième point découle de la liste que j'ai demandée et obtenue grâce à une question écrite au Sénat. Comme vous l'avez dit, le pouvoir d'embauche a été délégué aux ministères. Or, très peu de ministères participent au système de priorité.

Plusieurs ministères n'ont engagé aucun ancien combattant tandis que d'autres ont engagé la plupart d'entre eux, dont le MDN. Étonnamment, le ministère des Anciens Combattants en a engagé fort peu. J'ai écrit à divers ministres et je dois dire que j'ai reçu de très belles lettres du regretté ministre Flaherty et de la ministre Ambrose. Les autres ministres ont envoyé une lettre-type à leurs sous-ministres leur demandant de respecter l'esprit de la loi, car bien des gens qui ont été blessés dans les Forces canadiennes peuvent travailler dans de nombreux ministères.

Il me semble très restrictif qu'on n'envisage la candidature des anciens combattants que dans deux ministères. Y a-t-il quoi que ce soit dans le projet de loi qui reflète une plus large participation des sous-ministres à l'embauche de ces personnes?

Le sénateur Day : Je vous remercie de votre question, sénateur Downe. Je sais que vous avez suivi ce dossier, tout comme nous, membres du Comité des finances, l'avons fait. Je crois que vous étiez là lorsque la Commission de la fonction publique a comparu devant le comité. La Commission de la fonction publique conserve une liste des priorités — même si elle délègue ce pouvoir — et elle doit faire des vérifications au sujet de toutes les personnes qui ont reçu des pouvoirs délégués, pour garantir qu'elles accomplissent les tâches qui leur incombent à cet égard, qu'elles suivent et vérifient la liste des priorités et qu'elles n'embauchent personne avant d'avoir vérifié cette liste, puis qu'elles suivent ensuite le processus plutôt complexe associé à ces priorités.

Lorsque Maria Barrados a comparu devant le comité, elle nous a dit, et je crois que c'est le moment de ramener...

Son Honneur le Président intérimaire : Sénateur Day, votre temps de parole est écoulé.

Le sénateur Day : Pourrais-je avoir plus de temps?

Son Honneur le Président intérimaire : Je vais vous accorder un peu de temps pour que vous puissiez terminer votre intervention.

Le sénateur Day : Merci. J'ai presque fini de répondre.

L'honorable Kelvin Kenneth Ogilvie : Aviez-vous déjà eu cinq minutes?

Le sénateur Day : Je suis désolé, le sénateur Ogilvie veut prendre la parole.

Le sénateur Ogilvie : Lui avez-vous accordé cinq minutes?

Son Honneur le Président intérimaire : Par courtoisie, je vais le laisser finir de répondre à la dernière question.

Le sénateur Ogilvie : Les règles sont claires et ce n'est pas pour rien que nous accordons cinq minutes de plus. Si nous accordons plus de temps que cela, nous outrepassons le Règlement, ce à quoi je m'oppose.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Rien dans le Règlement n'indique que les sénateurs ne peuvent accorder que cinq minutes de plus. C'est une coutume que nous avons établie. Ce n'est pas obligatoire. Le Règlement n'indique rien à ce sujet, et il me semble que nous avons l'habitude, dans cette enceinte, d'accorder cinq minutes aux intervenants pour qu'ils puissent finir de répondre à une question.

Son Honneur le Président intérimaire : Si je puis me permettre, sénateur Ogilvie, la présidence a déjà tranché à ce sujet. Par courtoisie, laissons encore quelques secondes au sénateur afin qu'il puisse finir de répondre à la question qui lui a été posée. Les sénateurs ont eu l'amabilité de lui laisser cinq minutes de plus, et je crois qu'il convient de lui permettre de finir d'exprimer sa pensée.

Le sénateur Ogilvie : Si c'est seulement pour lui permettre de finir de répondre, je suis d'accord.

Le sénateur Day : Je remercie les honorables sénateurs d'adhérer à cet esprit d'amabilité à mon égard en cette période de l'année. Je termine ma réponse. Je crois me souvenir de la question.

Le sénateur Campbell : Pourriez-vous répéter la question, s'il vous plaît?

Le sénateur Day : Je vous enverrai peut-être la réponse par écrit en temps et lieu.

La Commission de la fonction publique a une responsabilité. On a rapporté au Comité des finances que des ministères emploient diverses tactiques pour contourner les listes de priorité, notamment la mutation, c'est-à-dire qu'on embauche quelqu'un à un poste temporaire de manière à lui donner ensuite la priorité.

La Commission de la fonction publique a la responsabilité d'assurer un suivi de telles situations, et nous assurerons nous-mêmes un suivi, car ce sont des situations avérées. Vous avez tout à fait raison de dire que beaucoup de ministères ont embauché du personnel sans tenir compte de la liste de priorité. Merci.

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Stewart Olsen, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense.)

Projet de loi no 2 sur le plan d'action économique de 2014

Seizième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie sur la teneur du projet de loi—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l'étude du seizième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie (teneur du projet de loi C-43, (sections 5, 7, 17, 20 et 24 de la partie 4)), déposé au Sénat le 27 novembre 2014.

L'honorable Art Eggleton : Il s'agit du rapport produit par le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie concernant certaines parties du projet de loi C-43, le projet de loi d'exécution du budget. Bien d'autres comités ont aussi produit des rapports, comme vous pouvez le voir dans les rubriques qui suivent, mais je tiens à parler de quelques parties dont le Comité des affaires sociales a été saisi.

Commençons par la section 5, qui modifie la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces. Comme la plupart des projets de loi omnibus, la mesure législative prévoit beaucoup de modifications à beaucoup de lois. Quoi qu'il en soit, il s'agit d'une de ces modifications.

Tout d'abord, soulignons qu'il est mentionné dans le rapport que la majorité des membres du comité appuie les modifications, mais qu'il y avait une forte opposition, et c'est cette dernière position que je défendrai.

La section 5 prévoit modifier la norme nationale visant les transferts sociaux du Canada aux provinces. Que modifie-t-on? Il semble qu'il y ait présentement dans la loi une disposition selon laquelle les gouvernements provinciaux et territoriaux ne peuvent pas imposer d'exigence relativement à la résidence aux bénéficiaires de l'aide sociale sans s'exposer à une pénalité sous la forme d'une réduction du paiement effectué au titre du Transfert canadien en matière de programmes sociaux par le gouvernement fédéral.

À qui cette norme s'applique-t-elle? Au plus grand des groupes, au groupe principal, c'est-à-dire aux demandeurs du statut de réfugié. N'oublions pas que, lorsque les réfugiés viennent ici, ils sont sans le sou, et ils ne connaissent probablement personne. Ils doivent vite trouver de quoi se nourrir et se loger. Par conséquent, ils dépendent largement des programmes d'aide sociale administrés par les provinces. Jusqu'à maintenant, cette norme de la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces faisait en sorte qu'on ne pouvait leur refuser cette aide. On ne peut pas, du jour au lendemain, faire en sorte que les demandeurs du statut de réfugié se retrouvent à la rue, sans argent, et sans avoir de quoi se nourrir ni se loger.

Le projet de loi propose d'éliminer cette norme et de permettre aux gouvernements provinciaux ou territoriaux d'imposer une exigence en matière de résidence sans que cela les expose à un risque ou à une pénalité financière. Le gouvernement fédéral dit à ces gouvernements non seulement qu'il ne les pénalisera pas s'ils imposent cette exigence, mais qu'il leur permettra de l'imposer. Si les gouvernements veulent imposer une exigence en matière de résidence en décidant, par exemple, que le demandeur doit résider dans la province depuis quatre ou six mois, ils sont libres de le faire, et ce, sans pénalité. Or, comme je l'ai souligné, la plupart des demandeurs du statut de réfugié sont sans le sou. Ces gens ne demandent pas le statut d'immigrant, mais celui de réfugié. Plusieurs d'entre eux se trouvent dans une situation terriblement difficile dès le premier jour, dans l'immédiat.

(1450)

Il m'apparaît particulièrement intéressant de noter qu'aucune province n'a demandé ce pouvoir. Les provinces et les territoires n'ont pas demandé qu'on leur donne le pouvoir d'imposer ces restrictions. Quand j'ai questionné le fonctionnaire qui témoignait devant le comité, il m'a répondu que non, personne ne leur avait fait cette demande. Il a reconnu que personne n'avait demandé ce pouvoir. Je lui ai demandé à qui ils avaient parlé. Il m'a dit qu'ils avaient parlé à quelqu'un en Ontario, donc dans une seule province. Ils ont parlé à un employé.

Fait intéressant, l'Ontario, la seule province avec laquelle une conversation a eu lieu, a réagi comme suit au projet de loi. Je cite un extrait du Star :

Un porte-parole de Mme Helena Jaczek, ministre des Services sociaux et communautaires de l'Ontario, a immédiatement réfuté cette affirmation.

« Le gouvernement de l'Ontario n'a pas demandé d'avoir le pouvoir d'imposer des restrictions liées à la résidence. Nous n'avons pas été consultés à propos de ce projet de loi... » [...]

« En fait, le ministère des Services sociaux et communautaires s'inquiète des répercussions que pourrait avoir, sur le plan des droits de la personne, le fait d'imposer une période d'attente à un groupe particulier de personnes. À notre avis, la période d'attente proposée pourrait toucher des demandeurs légitimes du statut de réfugié, qui ont réellement besoin d'aide. Nous avons informé le gouvernement fédéral de nos préoccupations. »

Voilà ce qu'a déclaré la seule province à laquelle les fonctionnaires disent avoir parlé.

Le projet de loi tente donc de créer un pouvoir que n'ont pas demandé les gens qui pourraient, supposément, en bénéficier, puisqu'ils auraient le pouvoir d'ajouter une exigence relative à la résidence s'ils le désirent.

On peut se demander ce qui motive toute cette démarche. Le gouvernement fédéral prévoit-il imposer une exigence de ce genre un jour? Cela me semble tout à fait possible. Ce serait donc une erreur d'adopter cette mesure.

Parallèlement, nous devons garder à l'esprit la situation dans laquelle se retrouvent ces demandeurs d'asile. Le Conseil canadien pour les réfugiés, l'un des nombreux organismes ayant comparu devant le comité, a fait remarquer, à juste titre, que :

Les réfugiés sont à leur plus vulnérable quand ils débarquent au Canada. Ils arrivent le plus souvent sans argent ou presque; ils connaissent peu de gens; ils sont désorientés; ils doivent attendre plusieurs mois leur autorisation d'emploi; souvent ils ne parlent ni l'anglais ni le français. Pour toutes ces raisons, la plupart d'entre eux doivent pouvoir compter sur l'aide sociale pour survivre durant leurs premiers mois au pays.

Je crois que c'est pour cette raison que s'applique la préoccupation soulevée par le gouvernement de l'Ontario concernant les implications au chapitre des droits de la personne.

Nous devons également garder à l'esprit que nous sommes signataires de certains traités internationaux, notamment le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, un traité des Nations Unies qui reconnaît le droit universel à la sécurité sociale, y compris à l'assurance sociale.

Le Canada a également le devoir de protéger les enfants aux termes de la Convention relative aux droits de l'enfant, qui dit que le Canada doit aussi reconnaître le droit de chaque enfant à la sécurité sociale, notamment à l'assurance sociale, et doit prendre les mesures nécessaires pour que ce droit soit pleinement respecté conformément à son droit interne.

Voilà donc où nous en sommes. Nous avons signé ces traités. Allons-nous laisser ces enfants mourir de faim dans les rues et devenir des sans-abri? Cela ne correspond pas à nos obligations aux termes de ces deux traités.

Le gouvernement fédéral, en retirant aux provinces les restrictions, favorise ou ferme les yeux sur l'imposition de critères de résidence aux demandeurs d'asile. Je crois que c'est une erreur fondamentale. C'est mesquin. Je crois que cela est contraire aux valeurs de notre pays, en ce qui a trait à la façon de traiter les gens, et au principe de processus équitable. Ces personnes attendent l'approbation ou le rejet de leur demande. Ils ne peuvent pas obtenir d'emploi, parce qu'il faut attendre six mois pour obtenir un permis de travail, alors ils ne peuvent rien faire d'autre.

Tout va bien à partir du moment où l'on décide d'en faire des réfugiés. Par contre, si on décide qu'ils ne sont pas autorisés à rester au pays, une procédure d'expulsion est évidemment entamée. Pendant qu'ils sont au pays, nous ne pouvons certainement pas les laisser sombrer dans la misère, devenir des sans-abri qui crèvent de faim dans la rue.

Plusieurs organisations se sont opposées à tout cela. Pourquoi? Aucune province n'a demandé que cette mesure soit prise. La seule province qui était au courant l'a complètement reniée et pense que c'est inapproprié.

Je vais certainement voter contre le projet de loi, compte tenu de cet article. À mon avis, il est tout simplement inacceptable que nous l'ayons proposé.

Je souhaite également parler de l'article 20, qui porte sur l'Agence de la santé publique du Canada. En passant, j'appuie certaines mesures du projet de loi. Je ne m'oppose pas à chacune d'elles. Il y en a toutefois deux auxquelles je m'oppose et dont je veux parler.

Il y en a aussi une troisième dont parlera la sénatrice Cordy, je crois, quoique le comité ait tenté de cerner son intention. Elle en parlera davantage plus tard.

La deuxième mesure dont je veux parler est celle qui porte sur l'Agence de la santé publique du Canada. Lorsque le Parlement du Canada a créé l'agence, l'administrateur en chef de la santé publique en a été nommé le directeur. À vrai dire, il a le statut de sous-ministre. On propose maintenant qu'il soit rétrogradé d'un échelon et qu'il relève d'un supérieur hiérarchique qui s'appellerait le président de l'Agence de la santé publique du Canada et qui remplirait des fonctions qui correspondent à celles d'un sous-ministre.

Le sénateur Mitchell : Cela permet de créer un emploi.

Le sénateur Eggleton : Évidemment, la personne qui occupera ce nouveau poste devra rendre des comptes au greffier du Conseil privé. Ainsi, ce sera un sous-ministre comme les autres qui dirigera cette agence. Je ne crois pas qu'il devrait en être ainsi.

Le sénateur Mitchell : Ils auront réussi à créer un emploi à temps plein.

Le sénateur Eggleton : L'Agence de la santé publique du Canada permet de concerter les efforts des intervenants lorsqu'il y a une crise sanitaire au pays, et je crois que l'administrateur en chef de la santé publique doit être en mesure de prendre les décisions dans son ministère. Il doit pouvoir organiser et diriger les ressources qui sont nécessaires afin de gérer une épidémie comme celle du SRAS, de la grippe H1N1 ou autre.

Quand j'étais à la réunion du Comité des finances, quelqu'un a dit que l'administrateur en chef de la santé publique n'a pas à effectuer les tâches de routine et à s'occuper du budget et des autres détails du genre. Je suis tout à fait d'accord pour dire que quelqu'un doit faire ce genre de chose, et c'est pourquoi je crois que l'administrateur en chef a plutôt besoin d'un assistant, c'est-à-dire d'une personne occupant un poste inférieur selon la hiérarchie. C'est ainsi que les choses fonctionnent à l'heure actuelle. Au quotidien, l'administrateur en chef de la santé publique n'a pas besoin de s'en faire avec les menus détails administratifs. Il a des employés qui s'en occupent, et il se trouve dans une position qui lui permet de prendre des décisions lorsqu'il y a une flambée d'une maladie dans la population ou qu'un problème survient.

Le comité a, entre autres, écouté le témoignage du Dr Perry Kendall sur cette question. Il est le directeur de la santé publique de la Colombie-Britannique, et je le connais depuis bien des années. Il a une brillante carrière dans le domaine de la santé publique et il a largement contribué à la création de l'Agence de la santé publique du Canada, ainsi qu'au choix du tout premier administrateur en chef de l'agence, le Dr David Butler-Jones. Ce dernier est maintenant à la retraite. Le Dr Kendall a aussi été le premier coprésident provincial-territorial du Réseau pancanadien de santé publique.

Pendant la pandémie de grippe H1N1, en 2009-2010, le Dr Butler-Jones, qui dirigeait alors l'Agence de la santé publique, et le Dr Perry Kendall ont coprésidé un comité consultatif spécial responsable de diriger et de coordonner la lutte contre la pandémie et ont fait rapport à la conférence des sous-ministres. Le Dr Kendall est un homme qui possède de vastes connaissances et qui se distingue dans ce domaine.

Voici un extrait du rapport qu'il nous a envoyé :

Je me suis penché sur cette proposition et j'en ai discuté avec des collègues du secteur de la santé publique qui, comme moi, se rappellent leurs longues années d'expérience de travail avec Santé Canada avant et pendant l'épidémie du SRAS et pendant la pandémie de H1N1, et avec l'Agence de la santé publique du Canada et l'administrateur en chef de la santé publique du Canada.

Il a poursuivi en disant ceci :

Nous vous conseillons, à l'unanimité, de ne pas adopter ce changement.

Il a aussi ajouté ceci :

À notre avis, l'organisme ainsi que l'influence et le poste d'administrateur ou d'administratrice en chef de la santé publique et son indépendance s'en trouveront considérablement affaiblis. Cette mesure serait rétrograde et ne tiendrait pas compte du passé et des leçons apprises.

(1500)

L'administrateur en chef de la santé publique, le Dr Gregory Taylor, dit que cela ne le dérangeait pas que lui ou la femme qui était là occupe la fonction supérieure, mais il a ajouté, avec le plus grand respect, que c'est du poste dont il est question, et non des personnes, et que l'agence devrait continuer d'être dirigée par l'administrateur en chef de la santé publique du Canada.

J'abonde dans le même sens et je crois, encore une fois, que cette mesure ne devrait pas être incluse dans ce projet de loi d'exécution du budget.

L'honorable Jane Cordy : Le sénateur Eggleton accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Eggleton : Bien sûr.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup, sénateur Eggleton. Vous et moi siégions au comité qui a étudié ce projet de loi omnibus, mais, il y a plusieurs années, nous étions aussi membres du comité qui a étudié le projet de loi omnibus en vertu duquel le gouvernement conservateur a retiré le droit des réfugiés à recevoir des services de santé. Dieu merci, la cour a annulé cette décision et l'a déclarée inconstitutionnelle.

Le gouvernement a encore une fois camouflé des choses dans un projet de loi omnibus. Par le passé, il n'était pas permis aux provinces d'exiger un délai de résidence aux réfugiés pour qu'ils puissent obtenir de l'aide financière, car, comme vous l'avez dit, ils arrivent au pays sans le sou et ne peuvent pas trouver d'emploi avant un bon moment. Mais maintenant, dans ce projet de loi omnibus, les provinces, comme vous l'avez signalé avec justesse, se font dire qu'elles n'ont plus vraiment besoin d'imposer cette exigence.

Je suis ravie que vous ayez demandé où cela nous mènerait. Le gouvernement fédéral va-t-il déterminer qu'il n'y aura plus d'exigence en matière de résidence, de sorte que les réfugiés ne pourront plus recevoir d'aide financière?

Ce qui était intéressant — et vous l'avez mentionné —, c'est lorsqu'on a demandé à la personne représentant le ministère si les provinces avaient pu donner leur avis. Je pense que vous avez demandé si elles avaient été consultées.

Le sénateur Eggleton : Puis-je disposer de cinq minutes de plus, Votre Honneur?

Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs accordent-ils cinq minutes de plus au sénateur Eggleton?

Des voix : D'accord.

La sénatrice Cordy : C'est vous qui avez posé cette question, je crois, et on vous a répondu que le ministère avait eu des discussions avec les provinces. Le fonctionnaire a fait mention précisément de l'Ontario. Mais nous avons retenu comme message que toutes les provinces avaient participé à des « discussions » sur leur exigence en matière de résidence.

Vous avez parlé aux représentants du gouvernement de l'Ontario, et ils n'étaient certainement pas en faveur de cette proposition. J'ai demandé à mon personnel de téléphoner au gouvernement de la Nouvelle-Écosse. En fait, on a appelé trois ministères, et personne n'en avait encore entendu parler. Aucun ministère ne savait que cette disposition était prévue dans le projet de loi omnibus et, à plus forte raison, aucun n'appuyait l'idée de supprimer l'exigence en matière de résidence. Donc, je suppose que l'Ontario était en désaccord et que la Nouvelle-Écosse n'en savait rien.

Étiez-vous au courant du fait que, en Nouvelle-Écosse, on ne savait absolument rien au sujet de cette disposition qui est cachée dans le projet de loi omnibus?

Le sénateur Eggleton : Quand j'ai demandé aux fonctionnaires de préciser les gens qu'ils avaient consultés, ils m'ont uniquement répondu qu'ils avaient parlé avec quelqu'un au gouvernement de l'Ontario. C'est tout ce qu'ils m'ont dit. Ils n'ont pas mentionné avoir consulté qui que ce soit d'autre.

Quand je leur ai demandé des précisions, il m'est apparu clairement que c'était tout. Ils ont également admis que personne n'avait réclamé ou préconisé une telle mesure. Il y a donc lieu de se demander pourquoi on est quand même allé de l'avant.

Comme je l'ai dit, cela envoie le mauvais message. Cela laisse entendre que les provinces devraient peut-être envisager une telle éventualité. Quand on tient compte, en plus, de ce qui a été dit sur le système de santé, à savoir la tentative de priver les demandeurs du statut de réfugié de certaines prestations de santé, c'est bien le message que cela pourrait envoyer.

Toutefois, cela pourrait aussi devenir un jour la norme régissant les transferts sociaux. Les conservateurs disent qu'il n'en est pas question pour l'instant. Non, ils ne pénaliseront aucune province qui continuera de procéder comme elle le faisait. Mais pourquoi les conservateurs font-ils alors adopter cette disposition s'ils ne comptent pas un jour en faire la nouvelle norme nationale et la base du Transfert canadien en matière de programmes sociaux? Ce serait répugnant s'ils le faisaient.

(Sur la motion de la sénatrice Cordy, le débat est ajourné, avec dissidence.)

La Loi sur les Indiens

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Rejet de la motion d'amendement—Report du vote

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Ngo, appuyée par l'honorable sénatrice Marshall, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-428, Loi modifiant la Loi sur les Indiens (publication des règlements administratifs) et prévoyant le remplacement de cette loi;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénatrice Dyck, appuyée par l'honorable sénateur Mitchell, que le projet de loi ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, dans le préambule, à la page 1, par substitution, aux lignes 17 et 18 de ce qui suit :

« l'élaboration de cette nouvelle loi en consultation avec les Premières Nations qui ».

Que le projet de loi C-428 soit modifié par adjonction, après la ligne 25, à la page 1, de ce qui suit :

« 1.1 Il est entendu que la présente loi ne porte pas atteinte aux droits ancestraux ou issus de traités des peuples autochtones du Canada tels que reconnus et affirmés par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. ».

Que le projet de loi C-428 soit modifié à l'article 2, à la page 2 :

a) par substitution, à la ligne 2, de ce qui suit :

« Nord canadien présente aux comités de la »;

b) par substitution, à la ligne 3, de ce qui suit :

« Chambre des communes et du Sénat chargés d'étudier les ».

Que le projet de loi C-428 soit modifié, à l'article 4, à la page 2, par suppression des lignes 22 à 30.

Que le projet de loi C-428 soit modifié, à l'article 14, à la page 4, par suppression des lignes 10 et 11.

Que le projet de loi C-428, soit modifié à l'article 15, à la page 4, par suppression des lignes 12 et 13;

Que le projet de loi C-428 soit modifié à l'article 16, à la page 4, par suppression des lignes 14 et 15.

Que le projet de loi C-428 soit modifié à l'article 17, à la page 4, par suppression des lignes 16 et 25.

Que le projet de loi C-428 soit modifié à l'article 18 :

a) à la page 4, par suppression des lignes 26 à 34;

b) à la page 5, par suppression des lignes 1 à 4.

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, je prends la parole pour discuter du projet de loi C-428, Loi modifiant la Loi sur les Indiens (publication des règlements administratifs) prévoyant le remplacement de cette loi. Je me prononce en faveur de l'amendement bien pensé et très réfléchi de la sénatrice Dyck. J'aimerais la remercier de son excellent travail.

Le 4 juin 2012, le projet de loi C-428 a été proposé par son parrain, le député conservateur de la Saskatchewan, Rob Clarke. Il est mort au Feuilleton au moment de la prorogation, il a été rétabli à l'étape de la troisième lecture le 16 octobre 2013, et il a été adopté le 20 novembre. Son adoption à la Chambre des communes est attribuable à la détermination des partisans du gouvernement à cet endroit. Le projet de loi C-428 semble être l'un de ces projets d'initiative parlementaire qui, en réalité, n'est rien d'autre qu'un projet de loi du gouvernement, proposé et appuyé par des députés ministériels. Il est très intéressant de constater que le gouvernement appuie le projet de loi et souhaite son adoption, mais qu'il n'est pas disposé à assumer sa responsabilité. J'aurais pensé qu'un projet de loi d'une telle importance à l'échelle nationale, d'une telle envergure politique et d'une nature aussi délicate aurait été étudié dans les deux Chambres selon la doctrine et les procédures liées à la responsabilité ministérielle et sous la direction et la supervision du ministre responsable, à savoir Bernard Valcourt, le ministre des Affaires autochtones et du développement du Nord canadien. Il est le ministre désigné par notre Constitution et nommé au nom de Sa Majesté par son représentant, le gouverneur général, pour surveiller les affaires de nos peuples autochtones, de nos Premières Nations.

À la page 1206 du volume 2 de l'édition du Jowitt's Dictionary of English Law publiée en 1959, on trouve la définition suivante du terme « nation », qui pourrait aussi s'appliquer aux Premières Nations :

Nation. Un peuple qui se distingue d'un autre, généralement par sa langue ou son gouvernement; une assemblée d'hommes libres, par opposition à une famille d'esclaves.

À la page 1175 de la cinquième édition du Black's Law Dictionary, publiée en 1968, on trouve la définition suivante du terme « nation » :

Nation. Peuple ou groupe humain qui existe sous la forme d'une société de droit organisée, qui occupe habituellement une portion définie de la Terre, qui parle la même langue, qui a les mêmes traditions, qui possède une histoire commune et qui se distingue des autres groupes par son origine et ses caractéristiques raciales et qui, généralement mais pas toujours, est dirigée par un seul gouvernement, en vertu d'une même souveraineté.

Honorables sénateurs, le terme « nation » comprend une notion de souveraineté et d'autodétermination. Nos échanges légitimes avec les Premières Nations, surtout ceux qui portent sur l'adoption de lois dans les deux Chambres, doivent être amorcés et effectués par des plénipotentiaires, c'est-à-dire des ministres de Sa Majesté, qui sont autorisés à agir en son nom avec les Premières Nations. Ces Premières Nations ont fait l'objet de plusieurs traités avec Sa Majesté. Ils ont de nombreux droits et pouvoirs importants, y compris ceux prévus à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Tous les projets de loi dont sont saisies les deux Chambres du Parlement doivent être présentés sous les directives et la supervision d'un membre du Cabinet de Sa Majesté. Dans ce cas-ci, il s'agit du ministre responsable des Affaires autochtones et du Développement du Nord canadien.

(1510)

Honorables sénateurs, je signale que le parrain de ce projet de loi n'est pas un ministre, un plénipotentiaire ou un membre de ce qu'on appelle l'administration, c'est-à-dire le gouvernement de Son Excellence le gouverneur général David Johnston. Rob Clarke, le parrain du projet de loi, est un membre des Premières Nations dont nous sommes tous fiers. Toutefois, nos pratiques et nos lois constitutionnelles et parlementaires prévoient que les projets de loi présentés au Parlement qui portent sur les affaires des Premières Nations relèvent exclusivement des ministres. Il n'est pas ministre. Un simple député peut appuyer le gouvernement, mais ce n'est pas le ministre. La notion de responsabilité ministérielle est le principe fondateur fondamental de notre système parlementaire moderne. Autrement dit, chaque mesure importante devrait être présentée aux Chambres par un ministre qui assume la responsabilité de tout ce qui est prévu dans le projet de loi. Des questions de cette nature, de cette ampleur et de cette importance ne devraient pas être présentées à l'une ou l'autre Chambre du Parlement en tant qu'initiative émanant d'un député, mais plutôt en tant qu'initiative d'un ministre de Couronne.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-428 est une initiative émanant d'un député qui prétend être la solution aux problèmes profonds qui affligent les peuples autochtones, que nous chérissons et qui ont subi bien des épreuves. C'est une initiative qui viole leur droit selon lequel toute mesure législative qui porte sur des affaires les concernant doit être présentée par un membre du gouvernement canadien de Sa Majesté, un ministre. Le premier principe de notre système constitutionnel prévoit qu'en tant que nations, les Premières Nations et les peuples autochtones ont le droit de s'attendre à ce que les affaires les concernant dont la Chambre est saisie soient traitées par les ministres du Cabinet. La première lacune dans le projet de loi C-428, c'est qu'il porte atteinte au droit des Premières Nations de collaborer entre nations, c'est-à-dire leurs nations avec notre nation, le Canada. C'est un leurre. On dirait davantage une campagne publicitaire qu'un projet de loi visant à obtenir l'appui des deux Chambres, qui devrait respecter les principes de gouvernement responsable et de responsabilité ministérielle.

Honorables sénateurs, je dois vous citer ce que disait le parrain du projet de loi, M. Rob Clarke, lors d'une intervention à la Chambre des communes, le 18 octobre 2012. Voici ses paroles à propos de la Loi sur les Indiens :

[...] loi désuète, raciste et coloniale [la] Loi sur les Indiens [...] cette mesure législative archaïque [touche] tous les aspects de la vie des Premières Nations [...]

Je note que le parrain laisse largement entendre que son projet de loi a l'appui incontestable du gouvernement Harper. À certains endroits, il s'exprime au nom du gouvernement du Canada. Dans son préambule, il dit ceci :

Attendu que le gouvernement du Canada entend élaborer une nouvelle loi destinée à remplacer la Loi sur les Indiens [...]

Attendu que le gouvernement du Canada est résolu à poursuivre l'étude de différentes voies pour l'élaboration de cette nouvelle loi en collaboration avec les Premières Nations [...]

Seul un ministre devrait normalement s'exprimer ainsi.

Honorables sénateurs, le parrain ne nous dit pas pourquoi il parle au nom du gouvernement du Canada dans son projet de loi. Les sénateurs doivent faire la distinction entre les partisans du gouvernement au Parlement et le gouvernement du Canada lui-même. Il est bien établi que seul un ministre dûment nommé par le représentant de Sa Majesté peut prétendre parler au nom du gouvernement, que ce soit dans le cadre d'un projet de loi ou ailleurs. Il est en outre dommage que le préambule inhabituel n'ait strictement aucun lien avec le contenu du projet de loi.

Honorables sénateurs, le parrain du projet de loi croit que la Loi sur les Indiens peut-être balayée du revers de la main et facilement démantelée. Le 25 octobre 2013, dans son discours figurant à la page 430, il la décrit comme ceci :

[...] une mesure législative archaïque et fondamentalement sectaire qui régit la vie quotidienne des membres des Premières Nations et [qui] doit être abrogée.

Il a ajouté ceci :

[...] je pense que les changements pratiques et graduels proposés dans le projet de loi peuvent déboucher sur une conversation fructueuse quant à la manière dont on pourrait éliminer et remplacer la Loi sur les Indiens.

Il a également ajouté ceci :

[...] je crois que c'est un premier pas utile.

Ce sont ses convictions, les produits de son esprit.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-428 propose de supprimer le terme « pensionnats » de la Loi sur les Indiens. Dans le même discours qu'il a prononcé le 25 octobre, M. Clarke a déclaré ceci :

Le projet de loi C-428 supprimerait par ailleurs toutes les références aux pensionnats indiens dans la Loi sur les Indiens. Je suis le petit-fils de deux survivants de ces pensionnats et j'ai donc constaté personnellement leurs effets dévastateurs sur les membres de notre communauté. En 2013, les pensionnats indiens n'ont plus leur place dans la législation canadienne. J'ai hâte qu'on ait effacé des textes de loi toutes les indications renvoyant à cet épisode honteux de l'histoire de notre pays.

Cela me rappelle Staline. En supprimant des mots d'une loi, on supprime également l'histoire qui y est associée.

Honorables sénateurs, le parrain du projet de loi croit que la suppression de mots dans une loi supprimera simultanément le triste événement de l'histoire. Chers collègues, à mon avis, les souvenirs douloureux de ces gens ne disparaîtront pas de sitôt. Nous devrions examiner minutieusement ce projet de loi, lequel sonne davantage comme une publicité de relations publiques et de communication qu'une mesure législative efficace visant à faire avancer la condition de nos Autochtones.

Honorables sénateurs, je remercie et félicite le sénateur Ngo de son approche plus mesurée pour corriger les défauts de la Loi sur les Indiens. Voici ce qu'il a déclaré dans le discours qu'il a prononcé au Sénat le 6 novembre, à la page 2439 :

La meilleure façon de faire disparaître une grosse pierre, c'est d'en faire sauter des éclats les uns après les autres.

Honorables sénateurs, la Loi sur les Indiens et les modifications qu'elle apporte doivent être longuement et minutieusement examinées. Ce qui me préoccupe, c'est que, en soi, le projet de loi est non parlementaire et ne respecte pas les procédures parlementaires relatives à la responsabilité ministérielle. J'irais même jusqu'à dire que ce projet de loi est un affront au concept de responsabilité ministérielle et au principe selon lequel ce sont les ministres de la Couronne qui devraient présenter les mesures importantes, tant à la Chambre qu'au Sénat.

Honorables sénateurs, j'ai pensé qu'il serait utile de citer certains des grands esprits et des grands concepts qui définissent la responsabilité ministérielle. Dans l'édition de 1887 de son ouvrage intitulé On Parliamentary Government in England, volume II, Alpheus Todd écrit ce qui suit à la page 288 au sujet de la responsabilité ministérielle et du rôle qui incombe aux ministres de la Couronne dans les Chambres du Parlement :

C'est grâce à la présence au Parlement de ministres de la Couronne chargés de représenter le pouvoir de la Couronne et d'assurer le fonctionnement du gouvernement en lien direct avec cette entité que la responsabilité des ministres à l'égard de toutes les actions du gouvernement est illustrée et mise en œuvre concrètement.

L'ensemble des fonctions exécutives de la Couronne est confié aux ministres, qui sont choisis par le souverain et qui relèvent personnellement de lui. Pour que ces fonctions soient exercées en conformité avec les opinions les plus éclairés du grand conseil de la nation, il est indispensable que les ministres du roi soient issus de ce conseil. En tant que membres de l'une ou l'autre des Chambres législatives, ils sont habilités à y siéger et, par conséquent, ils sont en contact direct avec ceux qui ont le privilège de se prononcer avec autorité au sujet des politiques du gouvernement et dont le consentement doit être conforme à l'exercice continu de leurs fonctions comme ministres de la Couronne. Les ministres [...], qui sont les serviteurs et les confidents du souverain, sont nécessairement les dépositaires de tous les secrets d'État et ont accès aux sources d'information les plus élevées eu égard à chacune des questions politiques. Ils sont [...] tout particulièrement qualifiés pour orienter les débats du Parlement et pour aider leurs collègues à formuler des conclusions pertinentes sur chaque question d'intérêt public qui pourrait être portée à leur attention.

Honorables sénateurs, dans le volume I du même ouvrage, Todd écrit ce qui suit à la page 6 :

Tous les projets de loi importants sont maintenant présentés au Parlement par les ministres de la Couronne, avec l'approbation et l'autorité expresses du souverain. Parmi leurs fonctions reconnues et de premier plan, les ministres du roi doivent être en mesure de diriger et de contrôler les deux Chambres du Parlement ainsi que d'y assurer le fonctionnement du gouvernement en assumant eux-mêmes la surveillance et la direction de l'ensemble de la législation publique.

(1520)

Plus loin, à la page 9, il dit ceci :

Par la présentation formelle des ministres du Roi au Parlement [...], l'élément monarchique de la Constitution a commencé à se faire sentir à la Chambre des communes [...] Car le gouvernement parlementaire est essentiellement un gouvernement par l'entremise d'un parti, puisque la condition même de son existence est que les ministres de la Couronne puissent guider les décisions du Parlement, et particulièrement de la Chambre des communes [...];

Et à la page 265 :

À titre d'engagement et de sécurité pour l'exercice légitime de tous les actes d'autorité royale, il est requis par la Constitution que les ministres d'État répondent devant le Parlement et la loi de toutes les actions publiques de la Couronne.

Et enfin, à la page 266, Todd ajoute ce qui suit :

D'un point de vue constitutionnel, l'application de cette règle est si universelle qu'il n'y a pas un moment dans la vie du roi, de son avènement à sa mort, où quelqu'un n'est pas responsable devant le Parlement de sa conduite publique; et la Couronne ne peut exercer son autorité sans qu'un ministre ne soit prêt à en accepter la responsabilité. [...] Chaque document signé de la main du roi doit être contresigné par un ministre responsable afin d'être constitutionnellement valide et de faire autorité.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-428 est effectivement inusité et étrange. Les vastes questions de fond qu'il contient n'ont pas leur place dans un projet de loi d'initiative parlementaire, en l'absence de l'autorité d'un ministre.

J'estime qu'il existe de bonnes raisons pour lesquelles nos peuples autochtones s'appellent les Premières Nations. Les échanges entre les nations, en l'occurrence entre le gouvernement et les représentants des Premières Nations, doivent être assurés par un ministre, un représentant de la Couronne. L'obligation de consulter les Premières Nations, d'une nation à une autre, au sujet des questions législatives qui les concernent revient à la Couronne. Les échanges entre nations ne relèvent pas d'un projet de loi d'initiative parlementaire ni ne sont du ressort d'un député.

Honorables sénateurs, ce projet de loi cherche à exercer un semblant de contrôle sur le ministre des Affaires autochtones et du développement du Nord canadien. Il est contraire aux usages parlementaires que les Chambres adoptent une loi obligeant un ministre à faire rapport à un comité de la Chambre des communes. C'est ce que fait le projet de loi C-428 à l'article 2, à savoir que...

Son Honneur le Président intérimaire : Honorable sénatrice, votre temps de parole est écoulé. Voulez-vous demander cinq minutes de plus?

La sénatrice Cools : Oui.

Son Honneur le Président intérimaire : La sénatrice Cools demande au Sénat de lui accorder cinq minutes de plus. Est-ce d'accord?

Des voix : D'accord.

La sénatrice Cools : C'est ce que fait le projet de loi C-428 à l'article 2, à savoir que :

Le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien présente au comité de la Chambre des communes chargé d'étudier les questions relatives aux affaires autochtones, dans les dix premiers jours de séance de celle-ci au cours de chaque année civile, un rapport portant sur le travail accompli par son ministère en collaboration avec les Premières Nations et les autres parties intéressées en vue de l'élaboration d'une nouvelle loi destinée à remplacer la Loi sur les Indiens.

Cela est tout à fait inconstitutionnel. C'est aussi une insulte à la responsabilité ministérielle. Le travail et le rôle des comités de la Chambre relèvent exclusivement de la Chambre. Il faut donc être prudent face à l'intrusion des lois dans le domaine exclusif de la Chambre et à l'usurpation du pouvoir de celle-ci. La Chambre est la seule à décider du rôle et des travaux de ses comités. Les affaires d'un ministre ne sont pas celles de la Chambre, mais plutôt celles de Sa Majesté. L'article 2 n'est pas conforme à nos usages en matière de responsabilité ministérielle. Il incombe à la Chambre, et à tous les députés collectivement, de prendre les décisions relatives aux travaux des comités. La Chambre ne doit pas tenter de contrôler le travail d'un ministre en assujettissant ce dernier à l'autorité d'un comité. Les fonctions des comités de la Chambre doivent être définies par la Chambre et non par une loi. C'est une procédure inhabituelle, surtout dans un dossier aussi délicat que celui de la Loi sur les Indiens et compte tenu des souffrances et des difficultés éprouvées, comme on le sait maintenant, par beaucoup d'Autochtones, bien que nous l'ayons su depuis longtemps.

Honorables sénateurs, l'ordre troublant que l'on donne au ministre dans l'article 2 soulève certaines questions. Pourquoi 10 jours de séance? Pourquoi vise-t-on ce ministre-ci en particulier? Quelles conséquences le ministre devra-t-il assumer s'il ne présente pas de rapport? Pourrait-il être accusé d'outrage à la Chambre? Mais surtout, que pense le ministre Valcourt de tout cela? Qu'en pense-t-il et pourquoi ne le savons-nous pas?

Honorables sénateurs, la Loi sur les Indiens ne sera pas abrogée et remplacée aussi simplement que le prétend le projet de loi. Une telle initiative exige de longues consultations sérieuses, approfondies et substantielles entre la Couronne et les Premières Nations. J'ai bien dit nations. Ce projet de loi est vraiment très curieux.

Honorables sénateurs, je vous encourage à tenir compte des vices de procédure parlementaire que contient le projet de loi C-428, à vous y opposer et à vous demander pourquoi le ministre responsable de Sa Majesté, le ministre Valcourt, ne semble pas participer à l'étude du projet de loi. Tâchons également d'apprendre ce qu'il pense de la mesure et pourquoi il n'en avait pas la responsabilité à la Chambre des communes. Selon moi, le démantèlement ou le remplacement de la Loi sur les Indiens est une question qui relève de la compétence exclusive du ministre.

L'honorable Lillian Eva Dyck : L'honorable sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Cools : J'ignore où filent les minutes, mais j'espère qu'on nous donnera le temps d'y répondre.

Son Honneur le Président intérimaire : Il vous reste une minute pour une petite question.

La sénatrice Dyck : Sauf erreur, vous avez parlé d'une lacune fondamentale dans le processus parlementaire, affirmant que c'est le ministre plutôt qu'un simple député qui aurait dû présenter le projet de loi. Est-ce bien cela?

La sénatrice Cools : Tout à fait. Les relations entre le gouvernement et les Premières Nations reposent sur une base plutôt singulière, tout particulièrement sur le plan constitutionnel. Qui plus est, ces relations se sont implantées au fil des siècles à la suite de l'adoption de divers traités. Absolument. Le projet de loi C-428 est totalement irrecevable.

La sénatrice Dyck : Quelles options s'offrent aux Premières Nations? Peuvent-elles contester cela devant les tribunaux?

La sénatrice Cools : Je crois que oui. Rob Clarke, le député qui a rédigé le projet de loi, est évidemment très bien intentionné, comme c'est le cas de la majorité des députés. Je crois que c'est une personne dont nous devrions être fiers, parce qu'il est lui-même Autochtone. Par contre, c'est de toute évidence grave. Il n'est pas ici question d'un projet de loi anodin sur une question tout aussi anodine. Ce projet de loi parle, selon ses dires, de « démanteler » la Loi sur les Indiens; M. Clarke tient des propos très durs.

J'aimerais que nous abordions cela très sérieusement. Nous avons des ministres pour une raison, et leur nomination et leur mandat leur confèrent le pouvoir de faire certaines choses que les simples députés ne peuvent tout simplement pas faire.

Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des sénateurs : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : L'honorable sénatrice Dyck, avec l'appui du sénateur Mitchell, propose que le projet de loi C-428 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu'il soit amendé, à la page 1, par substitution, aux lignes 17 et 18, de ce qui suit :

« l'élaboration de cette nouvelle loi en consultation avec les Premières Nations qui ».

Que le projet de loi C-428 soit modifié par adjonction, après la ligne 25, à la page 1, de ce qui suit : —

Puis-je me dispenser de lire la motion?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président intérimaire : À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

L'honorable Jim Munson : Nous aurons assez de 30 minutes.

Son Honneur le Président intérimaire : Il y a un accord pour que la sonnerie retentisse durant 30 minutes, ce qui signifie que le vote aura lieu à 15 h 59. La séance est suspendue d'ici là.

Convoquez les sénateurs.

(1600)

La motion, mise aux voix, est rejetée.

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Baker Hervieux-Payette
Campbell Hubley
Chaput Jaffer
Cools Kenny
Cordy Lovelace Nicholas
Cowan Massicotte
Dawson Merchant
Day Mitchell
Downe Moore
Dyck Munson
Eggleton Ringuette
Fraser Smith (Cobourg)
Fury Tardif—26

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk Martin
Ataullahjan McInnis
Batters McIntyre
Bellemare Meredith
Beyak Mockler
Black Nancy Ruth
Boisvenu Ngo
Carignan Oh
Dagenais Patterson
Demers Plett
Doyle Poirier
Eaton Raine
Enverga Rivard
Fortin-Duplessis Runciman
Frum Seidman
Gerstein Seth
Greene Smith (Saurel)
Housakos Stewart Olsen
Johnson Tannas
Lang Tkachuk
LeBreton Unger
MacDonald Verner
Maltais Wallace
Manning Wells
Marshall White—50

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Aucun

Son Honneur le Président : Nous revenons à la motion principale. Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Une voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L'honorable sénateur Boisvenu, avec l'appui de l'honorable sénateur Runciman, propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois maintenant. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Non.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président : Je vois deux sénateurs se lever. À l'ordre, s'il vous plaît, honorables sénateurs. Les whips peuvent-ils intervenir, s'il vous plaît?

L'honorable Jim Munson : Nous souhaitons reporter le vote à demain.

Son Honneur le Président : L'opposition souhaite reporter le vote.

L'honorable Elizabeth (Beth) Marshall : Je dois consulter le Règlement, si vous le permettez, Votre Honneur.

Puisque le whip de l'opposition souhaite reporter le vote jusqu'à demain, j'aimerais qu'il soit reporté au jour de séance suivant, soit lundi à 17 h 30, conformément l'article 9-10(4) du Règlement.

Son Honneur le Président : Cela semble acceptable. Le vote aura lieu lundi, à 17 h 30.

La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur MacDonald, appuyée par l'honorable sénateur Wallace, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-483, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (sortie avec escorte).

L'honorable George Baker : Honorables sénateurs, j'aimerais, très brièvement, féliciter le sénateur MacDonald pour ce projet de loi. Je serai très, très bref.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Baker : Le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles a, comme toujours, fait de l'excellent travail sous la présidence du sénateur Runciman.

Nous nous réunissons pour une séance extraordinaire demain matin, et je tiens à remercier la sénatrice Bellemare d'avoir porté à notre attention, sous forme de projet de loi, un sujet qu'il vaut la peine d'examiner de plus près. C'est à cela que servent le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles et le Sénat. C'est pour cette raison que le Sénat est tenu en si haute estime, supérieure à la Chambre des communes, lorsqu'il est question de législation et d'étude des projets de loi.

Avant de souligner les propos du sénateurs MacDonald, j'aimerais mentionner que j'ai récemment jeté un coup d'œil aux renvois dans la jurisprudence des tribunaux et des organismes quasi judiciaires du Canada pour voir quels comités sénatoriaux sont cités dans les procédures, et j'ai fait la comparaison avec les comités de la Chambre des communes. Voici le résultat sur une période de deux ans. Voici la liste des comités qui ont été mentionnés. Il s'agit en fait d'extraits tirés des délibérations des comités, qui ont été utilisés par les tribunaux et par des organismes quasi judiciaires, comme les comités de discipline des infirmières, des médecins, des avocats et d'autres professions, dans les provinces.

(1610)

Voici la liste des comités sénatoriaux dont il a été question. Il y a tout d'abord le Comité des banques et du commerce, qui arrive en tête de liste. Il y a ensuite, en deuxième place, le Comité des affaires étrangères et du commerce international, et, en troisième place, le Comité des transports et des communications.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Baker : On trouve ensuite, dans l'ordre, le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, le Comité de l'énergie, le Comité des droits de la personne, le Comité des affaires sociales, le Comité des langues officielles, le Comité des peuples autochtones, le Comité de la sécurité nationale et de la défense, le Comité des finances nationales, le Comité de l'agriculture et le Comité des pêches.

Il y a 20 comités sénatoriaux. Les 13 comités que je viens tout juste de nommer ont été cités au cours des deux dernières années, et certains l'ont été plus d'une fois. Il y a 26 comités à la Chambre des communes. Seulement trois d'entre eux ont été mentionnés dans la jurisprudence au cours de cette même période de deux ans. Je vais les nommer en commençant par celui qui a été mentionné le plus souvent. Au premier rang, on trouve le Comité de la justice et des droits de la personne, au deuxième rang, le Comité de la citoyenneté et de l'immigration, et au troisième rang, le Comité de la sécurité publique et nationale.

Donc, au cours des deux dernières années, 13 comités sénatoriaux ont été mentionnés, et certains d'entre eux l'ont été à plusieurs reprises, mais il a été question de seulement 3 comités de la Chambre des communes. Le Sénat a 20 comités, alors que la Chambre des communes, elle, en a 26.

Il est intéressant de se demander pourquoi il en est ainsi. C'est parce que les comités accomplissent un excellent travail. Pensons aussi à ceux qui en sont membres, comme le sénateur MacDonald, qui a présenté un projet de loi d'initiative parlementaire qui a été adopté à la Chambre des communes et dont l'objectif était fort clair. Cela dit, je ne comprends pas tout à fait pourquoi il emploie le mot « gouvernement », parce qu'en fait, c'est un projet de loi d'initiative parlementaire, mais il ne cesse de parler du gouvernement et de dire que celui-ci défend les droits des victimes, entre autres.

Je pense qu'il suffit peut-être de consulter les rapports de nos comités pour commencer à saisir pourquoi les tribunaux citent le Sénat plus que la Chambre des communes. C'est peut-être parce que, lorsqu'un projet de loi nous est renvoyé, nous avons le bénéfice des travaux de la Chambre des communes, qui a déjà étudié la question et interrogé des experts et des témoins. C'est peut-être pour cela. C'est peut-être l'une des raisons expliquant que l'on cite la Chambre de second examen objectif plus souvent que tout autre corps législatif.

Nous avons donc examiné le projet de loi et formulé des observations à son sujet. Dans l'ensemble, le comité approuvait le projet de loi, mais il a proposé de l'appliquer non seulement aux détenus purgeant une peine minimale d'emprisonnement à perpétuité qui désirent faire une sortie, mais aussi aux délinquants dangereux.

Je n'en dirai pas vraiment davantage à ce sujet. Cependant, à titre d'exemple, permettez-moi de vous donner un aperçu des renvois effectués par les tribunaux au cours des trois derniers mois. Tout d'abord, le Comité des affaires étrangères et du commerce international a été cité aux paragraphes 47 et 48 de la décision Chowdhury c. Canada, 2014 Carswell Ontario 5568.

Il y a aussi la décision Thibodeau c. Air Canada, 2014, CarswellNat 4124, en date du 28 octobre, dont le paragraphe 162 cite les Débats du Sénat, les délibérations que suscitent les parrains des projets de loi. On cite également le procès-verbal du 31 octobre 2001 du Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Cette cause est toujours devant les tribunaux.

Presque à la même date, le 16 octobre, au paragraphe 24 de la décision R. c. VanBeek, 2014 ABPC 226, on cite les Débats du Sénat :

Comme on l'a dit durant les débats du Sénat sur le projet de loi [...]

Le projet de loi en question était le projet de loi de 2008 sur la lutte contre les crimes violents. On cite des extraits des discours faits au Sénat au sujet du projet de loi ainsi que les Débats du Sénat du 27 février 2008. On ne voit pas les débats de la Chambre des communes être cités de cette manière.

Dans une décision de la Cour fédérale rendue en septembre 2014 par le juge Luc Martineau, la décision 2014 CF 849, on cite, au paragraphe 14, un rapport publié par le Comité sénatorial permanent des langues officielles en avril 2014. C'est tout récent. Ensuite, au paragraphe 22, on cite également les recommandations du comité sénatorial.

Dans une autre décision de la Cour fédérale rendue en août, la décision 2014 FC 836, on cite les délibérations du comité sénatorial qui a étudié le projet de loi C-36. Au paragraphe 20, on donne plus de détails sur la teneur de ces délibérations.

On peut voir que, pendant une certaine période, notamment au cours des trois derniers mois, il n'y a eu qu'une seule citation de ce genre concernant un comité de la Chambre des communes. Ce n'est qu'un autre exemple qui explique pourquoi bien des gens disent que le Sénat joue un rôle beaucoup plus essentiel que la Chambre des communes dans le processus législatif. Voilà pourquoi il est si souvent cité.

Je tiens à remercier le sénateur MacDonald et tous les membres du comité de l'excellent travail qu'ils ont fait à l'égard de ce projet de loi. J'aimerais seulement citer en exemple un des témoignages que nous avons entendus. Je ne parlerai pas des témoins qui ont commenté les différentes parties du projet de loi et qui en ont fait pour nous une analyse juridique. J'aimerais plutôt parler d'une femme qui a comparu devant le comité. Le sénateur MacDonald et les membres du comité s'en souviendront.

Une femme a comparu devant le comité pour nous faire part de ses préoccupations. Environ un an auparavant, la Commission nationale des libérations conditionnelles avait communiqué avec elle au sujet d'une personne qui avait tué son époux. Voulant voler la voiture dans laquelle se trouvait son époux, le délinquant a profité de la vitre ouverte pour poignarder l'homme à la poitrine, geste qui lui a valu une condamnation.

Lorsque cet individu a demandé une permission de sortie avec escorte, un représentant de la Commission des libérations conditionnelles a téléphoné à la dame qui a témoigné au comité, et on lui a proposé de comparaître devant la commission pour qu'elle puisse donner son avis ou juste écouter les procédures si elle souhaitait savoir notamment où cette personne irait.

La dame est retournée chez elle, et la commission a rejeté la demande de permission de sortie avec escorte. Trois semaines plus tard, la dame a appris que le directeur de l'établissement carcéral avait accordé une permission de sortie à cet individu. Elle ne comprenait pas cette décision. Voici ce qu'elle a dit : « Comment se peut-il que la Commission des libérations conditionnelles ait rejeté la demande de cette personne et que trois semaines plus tard le directeur lui permette de sortir? »

La dame ne comprenait pas la loi. Il y est prévu que, trois ans avant la libération du contrevenant qui purge une peine minimale d'emprisonnement à vie, la responsabilité liée aux sorties est alors transférée de la commission au directeur de l'établissement. Le directeur lit des papiers bien assis dans son bureau et, pour une raison ou une autre, il peut trancher qu'une personne a le droit de sortir, et ce, même si la Commission des libérations conditionnelles avait refusé, après audience, d'accorder pareille permission trois semaines plus tôt.

(1620)

Ce projet de loi a pour effet de prolonger au-delà de trois ans le pouvoir décisionnel de la Commission des libérations conditionnelles, afin que la commission puisse entendre l'audience suivante de ce délinquant. Dans le cas que nous avons mentionné, la dame aurait été informée. La victime est informée de l'audience et peut donc y assister. Si la sortie se déroule sans anicroche, le pouvoir décisionnel est transféré au directeur du pénitencier. Si le détenu ne respecte pas les conditions prévues, le pouvoir décisionnel revient à la Commission des libérations conditionnelles. C'est ce que prévoit ce projet de loi.

Nous sommes tous d'accord avec cette mesure; nous sommes aussi d'accord avec l'observation selon laquelle cette mesure devrait s'appliquer aussi à certaines catégories de délinquants dangereux. J'aimerais féliciter le sénateur MacDonald et les membres du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles de leur excellent travail.

L'honorable Paul E. McIntyre : Sénateur Baker, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Baker : Oui.

Le sénateur McIntyre : Si j'ai bien compris ce projet de loi, le pouvoir d'accorder une sortie avec escorte à des fins de réhabilitation ne serait plus transféré automatiquement de la Commission des libérations conditionnelles au Service correctionnel du Canada quand le détenu devient admissible à la semi-liberté. C'est bien exact?

Le sénateur Baker : Oui.

Le sénateur McIntyre : Au lieu de ce transfert d'autorité automatique, la Commission des libérations conditionnelles demeurerait l'autorité compétente pour décider de ces sorties jusqu'à ce que les trois critères suivants aient été satisfaits : le détenu est admissible à la semi-liberté; il a reçu l'autorisation de faire une sortie avec escorte à des fins de réhabilitation; et il a accompli avec succès une telle sortie. Si ces trois conditions sont satisfaites, le pouvoir de décider des sorties avec escorte à des fins de réhabilitation sera transféré au Service correctionnel du Canada, comme vous l'avez mentionné.

Cela dit, s'il arrivait ensuite qu'une sortie approuvée par le Service correctionnel ne se déroule pas correctement ou que le détenu ne respecte pas les conditions, le pouvoir décisionnel sera confié de nouveau à la Commission des libérations conditionnelles. C'est l'essence du projet de loi, si j'ai bien compris. Nous nous entendons donc sur la question du transfert du pouvoir décisionnel relatif aux sorties.

Le sénateur Baker : Oui.

Le sénateur McIntyre : Je veux surtout insister sur le retour de l'autorité compétente du SCC à la Commission des libérations conditionnelles, pourvu que les trois conditions soient respectées. Est-ce exact, sénateur?

Le sénateur Baker : Oui. J'aurais dû donner des explications à ce sujet, car il est important que cela figure au compte rendu. Il est intéressant que le sénateur McIntyre pose cette question. Je peux imaginer à quoi il pense, car le projet de loi maintient une décision rendue par un organisme quasi judiciaire, la Commission des libérations conditionnelles, plutôt qu'une décision administrative, qui a été prise par un employé de bureau — la décision quasi judiciaire. La raison pour laquelle il est remarquable et instructif que le sénateur McIntyre pose cette question est qu'il a présidé pendant 25 ans la commission d'examen, un organisme quasi judiciaire qui remplit exactement la même fonction. Je crois qu'il entendait le même genre de témoignages que la Commission nationale des libérations conditionnelles entend parfois dans le cadre de procédures quasi judiciaires.

J'ai regardé plus tôt la définition de « procédure judiciaire », et j'aimerais rappeler aux sénateurs qu'elle s'applique aux travaux du Sénat. Le Sénat et les comités sénatoriaux sont visés par l'article 118 du Code criminel du Canada. Cette séance est donc une procédure judiciaire.

Plus loin dans le Code criminel, les articles 130 et 135 établissent les peines qui doivent être infligées à ceux qui font des déclarations trompeuses dans le cadre d'une procédure judiciaire, comme pendant les travaux du Sénat ou d'un comité sénatorial. Pour ceux qui s'intéressent à la jurisprudence, dans l'affaire R. c. Lavigne, aux articles 100, 102 et 109 de la décision 2011 ONSC 1335 de la Cour supérieure de justice de l'Ontario, il est stipulé que les travaux du Sénat, du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, et d'autres comités constituent des procédures judiciaires et que les accusations dans cette affaire s'appliquaient.

Je tiens à le préciser, afin que nous comprenions exactement en quoi consiste une décision quasi judiciaire, et c'est exactement ce que nous faisons pour les personnes purgeant une peine minimale d'emprisonnement à perpétuité. C'est exactement la même procédure que suit le comité d'appel pour établir s'il y a non-responsabilité criminelle. Vous y avez siégé pendant 25 ans entre deux psychiatres et avez rendu des décisions, sénateur. Si vous me posez une question supplémentaire, j'aimerais bien que vous disiez, à tout le moins, comment les choses se passent à la Commission nationale des libérations conditionnelles et au comité d'appel auquel vous avez siégé pendant 25 ans. C'est étonnant que vous ayez survécu.

Le sénateur McIntyre : Merci, sénateur. C'est ce que je vais faire. Quelle prestation; quelle allocution!

Vous avez raison, sénateur Baker, je crois qu'il y a une certaine similitude entre les façons de procéder à la Commission nationale des libérations conditionnelles et au comité d'appel. Je n'ai jamais siégé à la Commission nationale des libérations conditionnelles. Je vais donc m'abstenir de faire des commentaires à son sujet. J'ai toutefois présidé le comité d'appel du Nouveau-Brunswick pendant 25 ans, et je peux certainement faire quelques commentaires.

Comme vous l'avez signalé à juste titre, le comité d'appel est un tribunal quasi judiciaire. Les pouvoirs du comité d'appel sont énoncés à l'article 672 du Code criminel. Il y est question d'un accusé jugé inapte à subir son procès ou apte à subir son procès, et de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux. L'accusé est ensuite mis en détention dans un établissement psychiatrique ou mis en liberté dans la collectivité en attendant la tenue d'une audience relative à la décision devant un comité, qu'on appelle comité d'appel.

Le quorum est fixé à trois personnes : le président, qui doit être un juge ou une personne apte à être nommée juge, un psychiatre et un autre membre. Les pouvoirs du président du comité d'appel sont les mêmes que ceux qui sont conférés aux commissaires par les articles 4 et 5 de la Loi sur les enquêtes.

Le Code criminel indique clairement que les audiences de la commission d'examen doivent être aussi informelles que possible. Il y a une disposition consacrée à cette question dans le Code criminel.

En outre, en vertu du Code criminel, tout accusé doit être représenté par un avocat. Il n'est pas nécessaire que le procureur de la Couronne assiste à l'audience, mais l'accusé doit être représenté par un avocat.

La commission d'examen, tout comme la Commission des libérations conditionnelles, reçoit des documents. Ces documents sont inscrits comme éléments de preuve. À la fin de l'audience, la commission d'examen doit rendre sa décision et en expliquer les motifs. Les documents sont alors mis à la disposition de toutes les parties à la procédure, comme c'est le cas pour la Commission des libérations conditionnelles.

Le Code criminel indique aussi que la commission doit tenir un procès-verbal et que les décisions se prennent à la majorité des membres.

Trois choix s'offrent à la commission d'examen lorsqu'elle rend sa décision. Elle peut accorder une absolution inconditionnelle, accorder une absolution sous conditions, ou ordonner que l'accusé soit détenu dans un hôpital.

Comme vous le savez et comme je l'ai constaté lors de l'examen du projet de loi C-14, le choix entre la détention dans un hôpital ou l'absolution sous conditions, comparativement à l'absolution inconditionnelle, dépend du degré de dangerosité.

Compte tenu de cela et des similitudes entre la commission d'examen et la Commission des libérations conditionnelles, je crois qu'il est essentiel que la Commission des libérations conditionnelles conserve le pouvoir d'accorder des sorties avec escorte jusqu'à ce que les trois critères énoncés dans le projet de loi C-43 soient satisfaits. Bref, je viens de faire l'apologie de la Commission des libérations conditionnelles.

Le sénateur Baker : Quelle réponse, et quelle question!

Son Honneur le Président : Je présume, sénateur Baker, que ce commentaire était assorti d'une question, celle-ci étant : êtes-vous d'accord?

Le sénateur Baker : Je suis d'accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

(1630)

Projet de loi visant à soutenir l'impartialité politique des bureaux des agents du Parlement

Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Rivard, appuyée par l'honorable sénateur Wallace, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-520, Loi visant à soutenir l'impartialité politique des bureaux des agents du Parlement.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Honorables collègues, ce projet de loi est censé injecter une dose d'optimisme dans l'administration publique du Canada. En réalité, il crée un climat de mesquinerie à la limite de la paranoïa. Il est profondément offensant. Il constitue, parmi bien d'autres problèmes, une intrusion très grave dans la vie privée de citoyens canadiens. Ce projet de loi « affirme » — je pense que c'est un terme raisonnable — que toutes les personnes qui travaillent ou voudraient travailler pour des agents du Parlement ou des mandataires du Parlement — comme le vérificateur général, le commissaire à la protection de la vie privée, tous les agents du Parlement et toutes les personnes dans leur bureau — devraient rendre publiques leurs activités politiques passées, en remontant jusqu'à 10 ans en arrière, et leurs activités politiques présentes et futures. La portée et l'étendue de ces exigences sont absolument époustouflantes.

Toute personne travaillant dans ces bureaux, selon le projet de loi, jusqu'au préposé au courrier et au préposé à l'accueil, ou même postulant un emploi dans les bureaux de ces agents, doit signer une déclaration indiquant si elle a participé à des activités politiques ou a été membre du personnel ministériel ou parlementaire ou a occupé tout autre poste ayant un rapport quelconque avec la politique.

Une activité politique, selon le projet de loi, peut être le fait d'avoir travaillé bénévolement comme dirigeant d'une association de circonscription ou de l'association de circonscription de votre parti. Si vous avez été premier vice-président de l'association électorale de votre parti et si vous n'avez pas remporté une seule élection dans cette circonscription au cours des 10 dernières années, vous devez quand même déclarer votre activité politique, même si neuf ans auparavant, vous avez tourné le dos à ce parti parce que vous étiez en désaccord avec lui au sujet d'une politique qu'il a adoptée.

Comme je l'ai dit, le projet de loi s'applique au personnel parlementaire, à notre personnel, plus précisément aux personnes qui travaillent pour le compte d'un sénateur ou d'un député, et cela comprend les travailleurs à temps partiel et les contractuels. Pensez-y un instant. Supposons, à titre d'exemple, que le sénateur Dallaire avait eu besoin d'un travailleur contractuel à temps partiel, pour une courte période, afin de l'aider dans son travail lié à la lutte contre le recrutement d'enfants soldats, une cause qu'il a défendue avec beaucoup de succès au Sénat. Il aurait peut-être embauché quelqu'un pour deux mois, à raison d'une fois par semaine. Des années plus tard, cet individu postule un emploi auprès du Commissariat à la protection de la vie privée — rien à voir avec les enfants soldats. Il serait alors tenu de déclarer le travail qu'il a fait pour le sénateur Dallaire.

Fait intéressant, ces déclarations ne sont pas privées. Si la personne décroche l'emploi, ces renseignements seront publiés sur le site web du mandataire du Parlement dans les 30 jours, et ils resteront là, pour toujours, je suppose.

Disons maintenant que le sénateur Boisvenu a embauché quelqu'un pour quelques semaines ou quelques mois afin de contribuer à son travail extraordinaire et assidu pour la défense des victimes d'actes criminels. Six, sept ou huit ans plus tard, cette personne postule un emploi auprès du bureau du commissaire à l'environnement — cela n'a rien à voir avec les victimes d'actes criminels. Là encore, il faudra déclarer cette information.

On doit déclarer ce qu'on a fait dans le passé. On doit préciser toute activité politique à laquelle on participe actuellement, que ce soit à l'échelle fédérale, provinciale, territoriale ou municipale. On doit aussi indiquer si on a l'intention de s'engager dans une telle activité.

Imaginez que vous voulez postuler un emploi de préposé au courrier au sein du Commissariat à la protection de la vie privée. Vous devez déclarer si vous songez à vous présenter comme conseiller municipal du village où vous habitez. C'est tout à fait insensé. Il est difficile de penser à un exemple plus flagrant d'atteinte à la vie privée que celui de publier sur Internet, au vu et au su de tous, le nom du parti pour lequel vous avez voté, parce qu'au bout du compte, c'est là le cœur du problème.

La sénatrice Nancy Ruth : Non, ce n'est pas vrai.

La sénatrice Fraser : Il est peu probable qu'une personne ait occupé un poste bénévole de l'association de circonscription d'un parti si elle n'avait pas l'intention de voter pour ce parti. Rares sont les Canadiens qui jugeraient cette pratique démocratique.

Le projet de loi dont nous sommes saisis s'appliquerait rétroactivement aux employés actuels qui ont été embauchés sans qu'on les oblige à faire une telle déclaration. Les employés actuels devront remplir le formulaire de déclaration, qui sera publié sur le Web dans les 30 jours.

C'est profondément offensant, et je ne suis pas la seule à le penser. Les agents du Parlement qui ont été convoqués au comité de la Chambre des communes chargé d'étudier ce projet de loi s'y sont, eux-mêmes, vivement opposés. Ils avaient des objections d'ordre technique. Selon eux, le projet de loi ne précise pas comment les dispositions du projet de loi s'inscriraient dans le régime juridique et les politiques qui régissent actuellement les activités politiques des fonctionnaires. Ce n'est pas tout le monde qui sait que les activités politiques des fonctionnaires, dont font partie les employés des agents du Parlement, sont régies par un régime juridique et administratif très complexe.

Ils ont laissé entendre que, si ce projet de loi devait être adopté, il ne devrait pas s'appliquer à tous les employés, mais seulement aux personnes qui disposent de pouvoirs décisionnels. Il serait peut-être envisageable d'exiger que les gens qui occupent des postes de ce genre aient, dans une certaine mesure, à déclarer leurs activités politiques, mais il est absolument injustifié de les obliger à publier cette information sur Internet.

Ce projet de loi soulève de graves questions constitutionnelles et risque de contrevenir aux dispositions de la Charte des droits et libertés qui portent sur la liberté d'association et la protection des renseignements personnels. S'il est adopté, j'ai bien l'impression qu'il sera vite contesté devant les tribunaux.

Enfin, ce que je trouve curieux de ce projet de loi, c'est qu'il est lui-même issu de politiciens. En rendant obligatoire la déclaration des activités politiques, on laisse entendre que se livrer à de telles activités est quelque chose de répréhensible ou de suspect.

(1640)

Le sénateur Munson : Cela s'apparente au maccarthysme.

La sénatrice Fraser : Ce n'est pas le cas. Il y a quelque chose de noble dans la participation à des activités politiques. Il y a déjà des lois et des règles en place qui précisent, essentiellement, que plus une personne occupe un poste élevé et plus sa visibilité est importante, plus elle doit paraître et être impartiale.

Toutefois, la Cour suprême a décidé, il y a de cela une génération, que les fonctionnaires avaient le droit, sous réserve de ces restrictions, de se livrer à des activités politiques. Je crois fermement que cela inclurait le droit de garder confidentielles leurs activités politiques. Ils peuvent décider à leur guise de divulguer ou non ces activités.

J'ai cru comprendre que le gouvernement a l'intention de renvoyer le projet de loi au Comité des finances nationales. Étant donné les préoccupations que je viens d'exprimer, j'aurais vraiment préféré que le projet de loi soit renvoyé au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles. Je ne sais pas vraiment pourquoi le gouvernement préfère le renvoyer au Comité des finances nationales. Je comprends que ce comité examine l'appareil gouvernemental, mais le projet de loi à l'étude semble avoir une portée bien plus grande. Toutefois, compte tenu de l'allégeance politique de la majorité des sénateurs, le projet de loi sera renvoyé au Comité des finances nationales.

Je sais que c'est l'un des comités les plus sérieux et les plus ardents au travail. J'exhorte ses membres à examiner très sérieusement le projet de loi et à lui apporter des amendements s'il peut être amélioré. Je ne suis pas sûre que ce soit possible. Je préférerais qu'on le fasse sombrer. Cependant, il se peut que des améliorations soient possibles, car rien n'est impossible.

Il est possible qu'on améliore ce projet de loi et qu'on le rende plus acceptable. C'est le rôle du Sénat. Il procède à un second examen objectif des projets de loi qui peuvent contenir des erreurs ou qui ont pu être adoptés trop rapidement à l'autre endroit. Je ne peux penser à un meilleur candidat pour ce genre de travail que cet épouvantable projet de loi.

L'honorable Jim Munson : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Fraser : Oui.

Le sénateur Munson : Sans vouloir faire de plaisanterie, j'aimerais savoir ce que penserait Joe McCarthy de ce projet de loi, selon vous?

La sénatrice Fraser : Comme le sénateur Downe l'a indiqué hier, « êtes-vous ou avez-vous été membre du parti [...] ». Joe McCarthy adorerait cela.

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : J'ai entendu seulement la fin des observations de la sénatrice Fraser, mais je me demande si, avant la fin du débat, un sénateur du camp gouvernemental pourrait expliquer au Sénat pourquoi un projet de loi qui a le genre de conséquences décrites par la sénatrice Fraser ne devrait pas être étudié par notre Comité des affaires juridiques et constitutionnelles plutôt que par notre Comité des finances nationales. Évidemment, ma question ne constitue en rien un jugement sur le travail du Comité des finances nationales.

Son Honneur le Président : Je dois informer les honorables sénateurs que, si le sénateur Rivard prend la parole, cela mettra fin au débat.

[Français]

L'honorable Michel Rivard : Merci, monsieur le Président. Pour faire suite aux multiples affirmations que vous avez émises, je vais commencer par la plus récente : pourquoi le Comité sénatorial permanent des finances nationales doit-il traiter de cette question et pas un autre? Selon les règles qui nous gouvernent, seul le Comité sénatorial permanent des finances nationales peut traiter des opérations du gouvernement.

Vous avez parlé de façon très élogieuse du Comité sénatorial des finances et de ses membres, et je m'en suis réjoui. Ce comité a prouvé, à plusieurs reprises, qu'il peut bonifier des projets de loi. Je pense, entre autres, au projet de loi sur les paris sportifs qui n'est pas encore réglé, parce que nous ne sommes pas tous d'accord. Même s'il a été adopté à la majorité — et même à l'unanimité — à l'autre endroit, nous ne nous sommes pas encore prononcés.

Je dois avouer, honorables sénateurs, que certaines de vos affirmations m'ont troublé. Pourquoi le préposé aux postes ou le laveur de planchers pourrait-il être inclus? C'est justement en confiant le dossier au Comité sénatorial permanent des finances nationales que l'on pourra répondre à tout ce questionnement. Rien ne nous assure qu'il n'y aura pas de changement. Le but de ce projet de loi est de veiller à l'intégrité des candidats et d'éliminer tout risque de conflit d'intérêts. Les agents du Parlement ont un rôle très important, qu'il s'agisse du commissaire à l'éthique, du vérificateur général ou du directeur des élections.

Les présidents de bureaux ont été choisis par le gouverneur en conseil, donc, des enquêtes ont été menées afin de juger de leur impartialité. Cependant, en ce qui concerne ceux qui ont été engagés par la suite, nous devons nous assurer, à l'aide de la déclaration, que, au cours des 10 années précédant leur embauche, ils n'ont pas occupé l'un des postes qui sont décrits dans le projet de loi — président d'association, candidat politique, et cetera. Il ne s'agit pas de bénévoles, comme je l'ai entendu plus tôt.

Le but est d'étudier ce dossier de façon sérieuse.

Je vous rappelle ce que le sénateur Baker nous a dit plus tôt : sur 20 comités sénatoriaux, 13 d'entre eux ont été cités en cour à plusieurs reprises au cours des deux dernières années, alors qu'à l'autre endroit, sur 26 comités, on en cite à peine 3. Laissons donc travailler le Comité sénatorial des finances, et nous pourrons ainsi entendre les témoins appropriés afin de se faire une idée juste de la situation. Si des amendements sont requis, nous les présenterons.

[Traduction]

Le sénateur Cowan : Puis-je poser une question?

Son Honneur le Président : Oui.

Le sénateur Cowan : J'ai peut-être raté la première partie de votre réponse, mais je pense avoir compris que, selon vous, le projet de loi est renvoyé au Comité des finances nationales parce qu'il porte sur les opérations du gouvernement. Est-ce bien ce que vous avez dit?

[Français]

Le sénateur Rivard : Je n'ai peut-être pas votre expérience, monsieur le sénateur, mais ce que je sais, c'est que, au Sénat, tout ce qui a trait aux opérations du gouvernement ne peut être examiné que par le Comité sénatorial permanent des finances nationales.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Les oui l'emportent. Avec dissidence?

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Le sénateur Munson : Monsieur le Président, c'est une atteinte à la vie privée et à la démocratie.

Son Honneur le Président : Sénateur Munson, ce n'est pas un débat. Sommes-nous d'accord pour que la sonnerie retentisse pendant 30 minutes?

Le sénateur Munson : Oui.

Son Honneur le Président : Êtes-vous d'accord, sénatrice Martin, pour que la sonnerie retentisse pendant 30 minutes?

Le sénateur Moore : Je m'y oppose.

Son Honneur le Président : Puisqu'il n'y a pas consentement unanime, la sonnerie retentira pendant une heure. Le vote aura lieu à 17 h 48.

Convoquez les sénateurs.

(1750)

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk Marshall
Ataullahjan Martin
Batters McInnis
Bellemare McIntyre
Beyak Mockler
Black Nancy Ruth
Boisvenu Ngo
Carignan Oh
Dagenais Patterson
Demers Plett
Doyle Raine
Eaton Rivard
Enverga Runciman
Fortin-Duplessis Seidman
Frum Seth
Gerstein Smith (Saurel)
Greene Stewart Olsen
Housakos Tannas
Johnson Tkachuk
Lang Unger
LeBreton Verner
MacDonald Wallace
Maltais Wells
Manning White—48

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Campbell Jaffer
Chaput Kenny
Cools Lovelace Nicholas
Cordy Massicotte
Cowan Merchant
Dawson Mitchell
Downe Moore
Dyck Munson
Eggleton Ringuette
Fraser Smith (Cobourg)
Hervieux-Payette Tardif—23
Hubley

ABSTENTIONS
L'HONORABLE SÉNATEUR

Day—1

[Français]

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Rivard, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales, avec dissidence.)

[Traduction]

La drépanocytose et les thalassémies

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénatrice Cordy, attirant l'attention du Sénat sur la drépanocytose et les thalassémies et à l'importance du dépistage pour identifier les enfants avec la drépanocytose et la nécessité de développer des améliorations dans la gestion de la drépanocytose et les thalassémies au Canada.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je travaille sur ce dossier. J'ai déjà rédigé mon discours, mais, étant donné tout le travail que nous avons accompli aujourd'hui, j'aimerais le prononcer au début de l'année prochaine, si vous me le permettez.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Jaffer, le débat est ajourné.)

Le Myanmar

La persécution des Rohingyas musulmans—Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénatrice Jaffer, attirant l'attention du Sénat sur la persécution des Rohingyas musulmans au Myanmar et sur le mandat du Bureau de la liberté de religion du Canada.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Cet article en est au 15e jour, et je demande la permission au Sénat, compte tenu du travail que nous avons accompli aujourd'hui, de pouvoir m'exprimer sur ce sujet l'an prochain.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Jaffer, le débat est ajourné.)

Le RwandaLa République centrafricaine

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Dallaire, attirant l'attention du Sénat sur les liens clairs et réels qui existent entre le génocide au Rwanda et la crise actuelle en République centrafricaine.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je vous demande la permission de pouvoir prendre la parole sur ce sujet l'an prochain.

(Sur la motion de la sénatrice Jaffer, le débat est ajourné.)

(1800)

Droits de la personne

Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final relativement à son examen des mécanismes internationaux visant à accroître la coopération pour régler les disputes familiales transfrontalières

L'honorable Mobina S. B. Jaffer, conformément au préavis donné le 4 décembre 2014, propose :

Que, nonobstant l'ordre du Sénat adopté le jeudi 27 février 2014, le dépôt du rapport final du Comité sénatorial permanent des droits de la personne relativement à son examen des mécanismes internationaux visant à accroître la coopération pour régler les disputes familiales transfrontalières, notamment les efforts du Canada pour favoriser l'adhésion et la conformité universelles à la convention de La Haye sur l'enlèvement et renforcer la coopération avec les États non signataires, afin de défendre les intérêts des enfants soit reporté du 31 décembre 2014 au 31 mars 2015.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final sur son examen de la façon dont les mandats et les méthodes de l'UNHCR et de l'UNICEF ont évolué pour répondre aux besoins des enfants déplacés dans les situations de conflits contemporains

L'honorable Mobina S. B. Jaffer, conformément au préavis donné le 4 décembre 2014, propose :

Que, nonobstant l'ordre du Sénat adopté le mardi 6 mai 2014, le dépôt du rapport final du Comité sénatorial permanent des droits de la personne relativement à son examen de la façon dont les mandats et les méthodes de l'UNHCR et de l'UNICEF ont évolué pour répondre aux besoins des enfants déplacés dans les situations de conflits contemporains, en prêtant une attention particulière à la crise qui secoue actuellement la Syrie, soit reporté du 31 décembre 2014 au 30 juin 2015.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

Sécurité nationale et défense

Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final relativement à son étude sur les politiques, les pratiques, les circonstances et les capacités du Canada en matière de sécurité nationale et de défense

L'honorable Daniel Lang, conformément au préavis donné le 9 décembre 2014, propose :

Que, nonobstant l'ordre du Sénat adopté le mardi 19 novembre 2013, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense relativement à son étude sur les politiques, les pratiques, les circonstances et les capacités du Canada en matière de sécurité nationale et de défense, soit reportée du 31 décembre 2014 au 31 décembre 2015.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final relativement à son étude sur les politiques, les pratiques et les efforts de collaboration de l'Agence des services frontaliers du Canada en vue de déterminer l'admissibilité au Canada

L'honorable Daniel Lang, conformément au préavis donné le 9 décembre 2014, propose :

Que, nonobstant l'ordre du Sénat adopté le jeudi 12 décembre 2013, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense relativement à son étude sur les politiques, pratiques et efforts de collaboration de l'Agence des services frontaliers du Canada en vue de déterminer l'admissibilité au Canada et le renvoi de personnes inadmissibles, soit reportée du 31 décembre 2014 au 30 juin 2015.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

Pêches et océans

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat—Adoption de la motion modifiée

L'honorable Fabian Manning, conformément au préavis donné le 10 décembre 2014, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans soit autorisé à siéger à 17 heures le lundi 15 décembre 2014, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

— Honorables sénateurs, avant de présenter la motion, j'aimerais demander qu'on y change l'heure où le comité peut siéger, pour qu'elle prévoie 16 heures au lieu de 17 heures, puisqu'il est maintenant entendu que le Sénat siégera à 17 heures. Cette modification faite, je propose l'adoption de la motion inscrite à mon nom.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée au sénateur Manning de modifier sa motion?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion modifiée est adoptée.)

La sécurité alimentaire dans le Nord

Interpellation—Ajournement du débat

L'honorable Wilfred P. Moore, ayant donné préavis le 4 novembre 2014 :

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur la sécurité alimentaire dans le Nord.

— Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour attirer l'attention du Sénat sur l'insécurité alimentaire dans le Nord canadien, c'est-à-dire au nord du 60e parallèle. Cette interpellation a été inspirée par mon travail auprès de l'organisme Banques alimentaires Canada.

Au cours des dernières années, l'insécurité alimentaire s'est accrue dans le Nord canadien et il faut trouver des solutions. Bilan-Faim 2014...

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, il est passé 18 heures. Vous plaît-il de ne pas tenir compte de l'heure?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Moore : Bilan-Faim 2014 nous informe que, une fois de plus, le niveau de l'insécurité alimentaire dans le Nord est disproportionné par rapport au reste du pays. Bien entendu, Banques alimentaires Canada a indiqué que l'organisme est incapable de déterminer avec précision le degré d'insécurité au moyen de la fréquentation des banques alimentaires à cause de la situation particulière du Nord, où bien des collectivités n'ont pas les infrastructures nécessaires pour qu'une banque alimentaire puisse fonctionner.

Dans un récent rapport intitulé La sécurité alimentaire des populations autochtones dans le Nord du Canada : Évaluation de l'état des connaissances, le Conseil des académies canadiennes examine le problème de l'insécurité alimentaire dans le Nord, de même que notre degré de connaissance et de compréhension des causes à l'origine de cette situation précaire.

Dans le rapport, on pose la question suivante :

Quel est l'état des connaissances à propos des facteurs qui influent sur la sécurité alimentaire dans le Nord du Canada, ainsi que des incidences de l'insécurité alimentaire sur la santé des populations autochtones du Nord?

Le comité d'experts responsable du rapport était formé de spécialistes autochtones et non autochtones. Des organismes autochtones nationaux ont aussi contribué à l'étude.

Le rapport présente des arguments très convaincants qui intègrent les notions de sécurité alimentaire et de souveraineté alimentaire. Je cite :

Alors que la sécurité alimentaire met l'accent sur les piliers que sont l'accès, la disponibilité, l'acceptabilité, l'adéquation et l'utilisation des aliments, afin que tous aient en tout temps un accès physique, social et économique à la nourriture, la souveraineté alimentaire repose sur le principe selon lequel les décisions concernant les systèmes alimentaires, y compris les marchés, les modes de production, les cultures d'aliments et l'environnement, devraient être prises par ceux qui en dépendent.

Les peuples autochtones doivent être au cœur des solutions pour régler le problème de la sécurité alimentaire et faire du progrès. Qui connaît mieux le Nord que les gens qui l'habitent depuis des générations?

Ceci étant dit, le rapport dresse un portrait bien sombre de ce qui se passe dans le Nord canadien. Comme on en fait mention dans le rapport que Banques alimentaires Canada a publié le mois dernier, les Autochtones souffrent beaucoup plus d'insécurité alimentaire que les Canadiens vivant au sud du 60e parallèle. C'est un fait connu.

Le rapport présente une série de conclusions, qui sont expliquées en détail sur plus de 200 pages. Je vais résumer chacune d'elles.

Au Canada, les communautés autochtones nordiques et éloignées Canada sont aux prises avec une grave insécurité alimentaire, et les Autochtones sont proportionnellement beaucoup plus nombreux que les autres Canadiens à en souffrir. Selon l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2008, 3,9 millions de Canadiens vivent une insécurité alimentaire, dont 1,1 million d'enfants. C'est environ 11 p. 100 de la population.

En comparaison, dans les communautés autochtones, ce pourcentage atteint plus du double : 27 p. 100 des ménages sont aux prises avec l'insécurité alimentaire, les femmes et les enfants étant plus touchés que les hommes. Le plus troublant, c'est que, en 2008, l'Enquête sur la santé des Inuits de l'Année polaire internationale a établi que le Nunavut enregistre le taux d'insécurité alimentaire le plus élevé jamais documenté pour un peuple autochtone qui vit dans un pays développé.

On ne s'étonnera pas qu'un taux élevé d'insécurité alimentaire ait des répercussions très négatives sur la santé des Autochtones. L'enquête signale que certains problèmes de santé sont beaucoup plus fréquents parmi les Autochtones que dans le reste de la population, comme l'obésité, l'anémie, les maladies cardiovasculaires, le stress ou les problèmes de développement de la petite enfance.

Le rapport qualifie d'épidémie la prévalence du diabète au sein des communautés autochtones. Comme vous pouvez l'imaginer, les répercussions d'une telle insécurité alimentaire sur les familles et les communautés peuvent entraîner de très lourdes conséquences à la fois pour le système de santé et pour l'économie. Il n'y a pas de solution facile.

Le rapport signale par ailleurs qu'une transition alimentaire est en cours dans le Nord canadien : les gens délaissent les aliments prélevés dans la nature qu'ils consommaient depuis des générations pour plutôt s'approvisionner en magasin. Historiquement, les Autochtones tiraient leur subsistance de la terre sans qu'il leur soit nécessaire de payer pour se nourrir.

Même si des études révèlent que bon nombre d'Inuits préféreraient consommer davantage d'aliments prélevés dans la nature, comme du caribou ou de la morue charbonnière, les jeunes délaissent le régime traditionnel au profit des aliments transformés. Le coût de la chasse et de la pêche a toutefois grimpé, ce qui limite l'accès aux aliments prélevés dans la nature.

Les pratiques de récolte traditionnelles sont en déclin. Le rapport cite en exemple des communautés comme celle des Cris de l'est de la baie James, dont la moitié des membres pratiquaient ce genre de récolte entre 1976 et 1981, alors qu'ils n'étaient plus que 15 p. 100 à le faire entre 2004 et 2008.

Le rapport révèle que, de 1999 à 2000, on a noté dans les Territoires du Nord-Ouest une diminution du nombre de personnes âgées d'au moins 15 ans qui avaient pratiqué la chasse ou la pêche au cours de la dernière saison, le pourcentage étant passé de 8 p. 100 à 6 p. 100.

La situation n'évolue pas dans le bon sens, honorables collègues.

Le rapport indique que l'introduction d'une économie basée sur les salaires a aussi contribué grandement à cette transition. Bien que les pratiques traditionnelles de partage de nourriture occupent encore une grande place dans la vie des Autochtones du Nord, elles sont en déclin à cause de cette transition vers une économie basée sur les salaires et de la diminution des activités de chasse et de pêche. Cette situation se traduit par une consommation moins importante d'aliments traditionnels prélevés dans la nature, et par une plus grande consommation d'aliments achetés sur le marché, qui sont évidemment très chers et moins nutritifs.

La pauvreté aggrave cette situation. Banques alimentaires Canada nous apprend que la pauvreté est directement liée à l'insécurité alimentaire. Dans le Nord, il y a beaucoup de ménages à faible revenu. D'ailleurs, selon une étude réalisée par l'Université Laval, chez les Inuits, 4 ménages sur 10 vivent sous le seuil de la pauvreté, déterminé en fonction du revenu du ménage et du nombre de personnes qui le composent. Dans le Nord canadien, vivre sous le seuil de la pauvreté n'est pas chose facile.

Tout cela nous amène à nous pencher sur le coût élevé des aliments dans le Nord canadien. Dans le Nord, de nombreux facteurs contribuent au coût souvent inabordable des aliments offerts sur le marché. Le Nord manque d'infrastructures, ce qui rend moins accessibles les collectivités isolées. Le Conseil des académies canadiennes s'est penché sur les difficultés liées aux différents moyens de transport.

(1810)

Le transport maritime est, évidemment, restreint par les saisons. La glace est un problème majeur, ce qui fait que, habituellement, seulement deux ou trois livraisons par année s'effectuent par navire.

Le transport aérien est devenu très dispendieux. Le nombre de pistes d'atterrissage est insuffisant et la capacité de fret d'un avion ou d'un hélicoptère est limitée.

Le transport de marchandises par camion est lui aussi limité en raison du climat. Le rapport dit qu'il en coûte de 3 000 à 5 000 $ le kilomètre pour construire une route de glace, et celle-ci est assortie d'une limite de poids. De plus, en raison des changements climatiques, la saison où les routes de glace sont praticables ne cesse de s'écourter.

Autre facteur : l'expédition se fait généralement à sens unique. Les avions, les camions et les navires reviennent au sud complètement vides, ce qui a pour effet de doubler les coûts en carburant.

Par ailleurs, les coûts de l'énergie pour entreposer les aliments sont astronomiques. En 2002, Hydro-Québec avait indiqué que le prix moyen de l'électricité pour le secteur résidentiel était de 12 cents par ménage par kilowattheure dans 12 villes canadiennes. Or, selon un reportage de CBC News, le coût moyen de l'électricité pour le secteur résidentiel dans le Nord varie de 52 cents à 1 $ par ménage par kilowattheure. Les choses vont de mal en pis.

Pas plus tard que la semaine dernière, le vérificateur général a publié son rapport de l'automne 2014, dont le chapitre 6 porte sur l'examen du programme Nutrition Nord Canada. Le rapport contient des observations intéressantes. Je signale en préambule qu'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada approuve les observations formulées dans le rapport et qu'il a déjà amorcé sa propre analyse de certaines des recommandations du vérificateur général.

Le programme Nutrition Nord a remplacé le programme Aliments-poste en 2011, l'objectif étant de rendre les aliments sains plus accessibles et plus abordables pour les habitants du Nord canadien. Nutrition Nord Canada a un budget de 60 millions de dollars, dont 53,9 millions de dollars sont versés aux détaillants, aux fournisseurs, aux distributeurs et aux fabricants de produits alimentaires du Nord sous forme de contributions, l'intention étant d'alléger ainsi le prix des aliments nutritifs dans le Nord.

Les montants versés aux détaillants sont établis en fonction du poids des aliments admissibles, au titre de l'entente de contribution, acheminés aux collectivités du Nord. Selon le vérificateur général, sur les 40 détaillants, fournisseurs et fabricants de produits alimentaires participant au programme, trois détaillants reçoivent chaque année 80 p. 100 des subventions versées.

Toujours selon le vérificateur général, c'est le ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord qui détermine les aliments admissibles au programme. Le taux des contributions varie d'une collectivité à l'autre. Le programme n'a pas été conçu pour rendre les prix des aliments dans le Nord du pays identiques aux prix dans le reste du Canada, et le vérificateur général cite les nombreux facteurs qui peuvent faire grimper le coût des aliments dans le Nord.

Cela dit, le vérificateur général a évalué le programme afin de déterminer s'il respectait son objectif, qui consiste à rendre les aliments sains plus accessibles et plus abordables pour les collectivités isolées du Nord, et si les contributions étaient bel et bien transférées aux consommateurs. Le vérificateur général a relevé plusieurs problèmes dans le cadre de son évaluation du programme, mais tous ces problèmes peuvent être réglés. Par exemple, les collectivités admissibles au programme devraient être choisies en fonction de leurs besoins. De plus, les aliments subventionnés devraient être nutritifs : à l'heure actuelle, on accorde des contributions pour des aliments qui sont loin d'être bons pour la santé.

Le vérificateur général a aussi constaté que l'admissibilité des collectivités est fondée sur l'utilisation antérieure du programme Aliments-poste. Ainsi, certaines collectivités qui aimeraient maintenant avoir accès aux contributions ne sont pas admissibles. Cela fait plus d'un an que le ministère a entrepris l'examen des critères d'admissibilité.

Le vérificateur général a fait plusieurs observations en ce qui concerne le transfert des contributions aux consommateurs. Tout d'abord, il semble que le ministère n'a pas recueilli les données nécessaires afin d'établir si les contributions sont bel et bien transférées aux consommateurs. Le vérificateur général insiste sur le fait que le transfert des contributions est une exigence du programme; il est donc primordial de s'assurer que les aliments nutritifs sont plus accessibles et plus abordables pour les habitants du Nord.

Il a recommandé que le ministère revoie les accords de contribution entre les détaillants et le ministère afin de vérifier si les marges de profit à long terme et les marges de profit actuelles sont comprises. Le ministère sera ainsi en mesure de déterminer si l'économie réalisée est transmise aux consommateurs. Le ministère effectue actuellement l'examen et modifiera les accords afin d'inclure les marges de profit.

Honorables sénateurs, comme vous pouvez le constater, faire en sorte que les gens du Nord du Canada aient accès à des aliments sains est un processus compliqué et coûteux. Les responsables du programme Nutrition Nord ont de bonnes intentions, et je suis convaincu qu'ils respecteront les recommandations du vérificateur général afin d'améliorer la livraison d'aliments nutritifs aux résidants du Nord du Canada.

Toutefois, même s'ils respectent les recommandations, il n'en demeure pas moins que la livraison d'aliments dans le Nord pose problème. Elle n'est pas viable, et le prix des aliments ne sera jamais comparable aux prix des aliments au sud du 60e parallèle. Des subventions permettront de réduire légèrement l'écart, mais les aliments ne seront jamais vraiment accessibles ou abordables dans le Nord canadien.

Prenons, par exemple, le cas de Leesee Papatsie, une Inuite mère de cinq enfants qui a fait l'objet d'un article paru dans le Globe and Mail en janvier cette année. L'article s'inscrit dans une enquête sur la situation dans le Nord du Canada. Mme Papatsie dépense, en moyenne, avec un seul enfant à la maison, 600 $ pour l'épicerie chaque semaine. À un moment donné, elle en a eu assez du prix des aliments et du peu d'aliments disponibles et elle a agi de façon tout à fait inhabituelle pour une Inuite : elle a lancé une campagne de protestation. Et il s'agit d'une personne qui s'estime chanceuse qu'elle et son mari aient un emploi. Sa page Facebook, intitulée « Feeding My Family », compte plus de 19 000 membres, et ce nombre continue d'augmenter. Elle a dit souhaiter que les Inuits s'unissent pour manifester contre le prix élevé des aliments. Mme Papatsie mérite notre admiration pour cette initiative qui s'imposait depuis longtemps.

Le Conseil des académies canadiennes a aussi abordé la question des changements climatiques, car elle joue un grand rôle dans la détermination du coût des aliments, ainsi que de la disponibilité des aliments traditionnels pour les habitants du Nord canadien. Nous savons également que le climat change, mais les habitants du Nord canadien le savent mieux que n'importe qui, car ces changements ont une incidence directe sur leur vie quotidienne.

Depuis les années 1970, les glaces fondent rapidement dans le Nord canadien. En effet, dans son dernier rapport de 2014, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat prédit que, d'ici le milieu du siècle, l'océan Arctique sera libre de glace pendant 125 jours chaque année.

Il y a évidemment deux façons d'envisager ce développement. Le bon côté, c'est que cela stimulera l'activité économique découlant de l'extraction des ressources et du transport entre le Canada et l'Europe. Le mauvais, c'est que ces activités auront des effets négatifs encore plus marqués sur l'environnement du Nord et sur les habitants de cette région.

Par exemple, d'après le rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, le réchauffement du Nord entraînera une fonte de 31 à 81 p. 100 du pergélisol d'ici le milieu du siècle. Cela libérera plus de méthane, qui, comme nous le savons, est un gaz à effet de serre qui contribue aux changements climatiques.

Le nombre de caribous diminue au Yukon. Le Northern Journal a rapporté la semaine dernière que le gouvernement et des dirigeants autochtones avaient discuté de la possibilité d'imposer des restrictions sur la chasse de la harde de caribous de Bathurst et de Bluenose-Est. Il a aussi rapporté que la harde de Bathurst a baissé de 97 p. 100 depuis le milieu des années 1980. C'est une tendance alarmante, et l'adjectif est faible.

Le portail de recherche du Grand Nord de l'Université de la Saskatchewan décrit les effets de la fonte des glaces sur la lisière des glaces, qui est unique à l'Arctique, de la manière suivante :

Si les glaces marines devaient fondre rapidement au printemps et reculer plus loin que la zone du plateau continental, jusque dans les eaux profondes de la zone centrale de l'Arctique, cela aurait une incidence sur les animaux qui utilisent la glace pour chasser, donner naissance à leurs petits et se déplacer.

Cela aurait des conséquences catastrophiques pour...

Son Honneur le Président : Sénateur Moore, demandez-vous quelques minutes de plus pour terminer votre intervention?

Le sénateur Moore : Oui, je vais essayer de terminer en cinq minutes.

Son Honneur le Président : Acceptez-vous d'accorder cinq minutes au sénateur Moore?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Moore : Merci, chers collègues.

Cela aurait des conséquences catastrophiques pour les morses, les phoques et les ours polaires, trois espèces dont la survie dépend de la glace.

Étant donné que l'on peut maintenant naviguer sur l'océan Arctique pendant une plus longue période de l'année, on pourrait croire que les pêches pourraient représenter une solution à la crise de l'insécurité alimentaire dans le Nord, mais cette industrie est elle aussi aux prises avec des difficultés.

Le gouvernement du Canada a fourni de l'aide à l'industrie des pêches dans le Nord, et le Canada, qui est membre du Conseil de l'Arctique, a réclamé un moratoire sur les pêches dans l'Arctique jusqu'à ce qu'une évaluation des espèces et des stocks soit terminée.

L'environnement du Nord du Canada est fragile et en constante évolution, et si nous ne le protégeons pas, nous risquons d'aggraver l'insécurité alimentaire dans le Nord, l'enjeu qui fait l'objet de cette interpellation.

Nous ne pouvons pas accepter que ces changements puissent mener à la perte d'aliments traditionnels riches en nutriments, qui font partie de l'alimentation des gens du Nord.

Beaucoup de programmes provinciaux et fédéraux offerts localement visent à lutter contre les problèmes liés à l'insécurité alimentaire dans le Nord du Canada, y compris le programme Nutrition Nord, qui a été mentionné plus tôt. Le rapport du Conseil des académies indique qu'il existe plusieurs types de programmes visant à réduire le coût des aliments, à offrir des aliments plus sains ainsi que des programmes de santé et d'éducation, à améliorer le bien-être des collectivités, à favoriser le partage des connaissances entre les générations, à offrir un soutien en ce qui concerne la chasse et la gestion de la faune, à réduire la pauvreté, à favoriser le développement de l'économie, de l'infrastructure et des transports ainsi que la production d'aliments locaux et, enfin, à faire participer les jeunes.

J'aimerais mentionner brièvement une initiative qui, à mon avis, est essentielle pour offrir des ressources alimentaires saines et durables aux gens du Nord. Je parle des serres, bien entendu.

(1820)

Parmi les nouveaux programmes et initiatives élaborés au Canada, plusieurs mettent l'accent sur la culture en serre, notamment dans le but de fournir des aliments sains aux gens du Nord. À l'échelon fédéral, l'Initiative de serriculture dans le Nord finance actuellement des projets destinés à la construction de serres pour le Nord du pays. Le programme AgNorth de l'Institut de recherche Aurora constitue une avancée importante en vue de l'établissement de serres dans le Nord. Dans sa mission, l'organisme parle notamment de « créer des stations agronomiques modulaires et évolutives qui permettront de cultiver une gamme complète d'aliments nutritifs et contribueront au développement économique ».

Ces serres ont recours à une technologie utilisant des diodes électroluminescentes, conçue à l'origine pour favoriser la photosynthèse des plantes dans l'espace. Une lumière comme celle-là est beaucoup plus efficace que la lumière naturelle ou à large bande. Cette technologie, qui peut notamment être utilisée dans les serres, pourrait répondre en partie aux besoins alimentaires du Nord. Cette voie m'apparaît très prometteuse.

L'organisme Banques alimentaires Canada a proposé une autre solution, soit la création d'un fonds pour la sécurité alimentaire dans le Nord, qui permettrait de soutenir des initiatives prises et dirigées par les communautés du Nord.

Je vois que mon temps de parole tire à sa fin. J'écourterai donc mon propos.

Comme vous le voyez, chers collègues, il y a quelques petits pas dans la bonne direction, mais assurer un approvisionnement alimentaire stable et sûr dans le Nord demeure un problème complexe, qui demandera des solutions complexes. Il existe des solutions, certes, mais aucune solution miracle. Ce que j'ai appris en étudiant cet enjeu, c'est que le temps presse. Les difficultés liées au climat et à l'environnement sont durables et indéniables. On ne peut plus nier cette réalité.

La question de l'insécurité alimentaire dans le Nord est liée à l'environnement, au climat, aux personnes, aux végétaux et aux animaux qui se trouvent dans le Nord. Tout changement a des effets sur l'ensemble des personnes et des choses qui font partie de cet écosystème unique. Nous devons tenir compte de ces faits. Je crois que les solutions au problème de l'insécurité alimentaire sont liées à tous ces facteurs et que la forme qu'elles devraient prendre repose largement sur le point de vue des peuples autochtones du Nord canadien, qui comprennent mieux leur environnement que quiconque. Nous devons être conscients des connaissances uniques et inhérentes de nos peuples autochtones du Nord.

Une autre conclusion qui saute aux yeux, c'est qu'il coûtera cher de régler le problème de l'insécurité alimentaire dans le Nord.

La question de la souveraineté se retrouve au premier plan depuis qu'un nombre croissant de pays souhaitent faire du développement économique et de la prospection pétrolière, gazière et minière dans le Nord. Jusqu'ici, les revendications au titre de la souveraineté se sont exprimées sous forme de brise-glace armés, de bases militaires, de drones et de personnel militaire. Le montant du financement consacré à ce type de présence n'est jamais sérieusement remis en question.

Nous ne devons pas oublier que les Canadiens qui vivent dans le Nord de notre pays constituent la meilleure preuve de notre souveraineté dans cette région et que, à bien des égards, il pourrait être extrêmement utile de dépenser de l'argent pour créer les conditions de vie nécessaires dans le Nord, notamment en y assurant la sécurité alimentaire. Ainsi, même si ma liste de problèmes est beaucoup plus longue que ma liste de solutions, je suis persuadé qu'il est possible d'assurer la sécurité alimentaire dans le Nord. Je pense que nous pourrons ainsi faire du Canada un pays meilleur et plus fort.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, le débat est ajourné.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne à demain, à 9 heures.)

© Sénat du Canada

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